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Joseph Delteil (1894-1978) est l'un de nos écrivains les plus flamboyants et les plus singuliers. Il fit sensation dès la publication de son premier roman, Sur le fleuve Amour (1922) qui lui valut, avec Choléra (1923), d'être adoubé par André Breton parmi ceux qui avaient fait acte de "surréalisme absolu". En 1925, cependant, la parution sa Jeanne d'Arc déchaîna contre lui une virulente cabale, Breton qualifiant l'oeuvre de "vaste saloperie" tandis qu'une frange catholique s'insurgeait contre l'écrivain qui avait représenté Jeanne "comme une rustaude, une costaude, hantée d'images luxurieuses et perpétuellement agitée dans son corps par l'obsession des sens".
Delteil quitta Paris au début des années trente et s'installa en 1937 à la Tuilerie de Massane, dans l'Hérault, où il poursuivit son oeuvre tout en cultivant la vigne. La Jonque de porcelaine, La Fayette, Saint Don Juan, Jésus II, François d'Assise, La Cuisine paléolithique, La Deltheillerie sont quelques-uns des livres superbes qui jalonnent l'oeuvre de cet écrivain qui invente, bouscule, pétrit, colle son oreille sur chaque mot, le flaire, le goûte, le regarde sous tous ses angles ainsi qu'un bel objet, le laisse agir comme un être vivant, l'imprègne d'odeurs, de gestes et de cris, le palpe et le retouche, le jette dans la mêlée, en use et en abuse avec une farouche liberté.
Dans le vaste territoire encore sauvage et primitif qu'explore son écriture, Delteil lâche hommes et femmes, quelques animaux aussi, instincts et passions, rage de vivre pour s'enfoncer jusqu'au bonheur. Ses héros, il ne leur élève pas de statues. Il en joue et s'amuse avec eux, les rend vivants, les rajeunit, les ranime, les enfante, les fait repartir en enfance. Avec Delteil, le livre devient, parmi les réjouissances de la parole et du récit, une fête pour les sens, un enchantement, l'expression physique, concrète, d'une raison de vivre, d'une passion pour la vie qu'il s'agit de rendre communicative.
