Cahier d'etudes Stratégiques N° 29 : Processus de paix et Etats de guerre. Moyen-Orient, Balkans, Colombie

L'importance stratégique d'une vision générale des critères et des enjeux concrets marquants les voisinages immédiats des Etats-Unis et de l'Union Européenne n'est pas à démontrer. Il s'agit essentiellement du Moyen-Orient mais également des Balkans et de la paix en panne qui sévit en Colombie. Dans ces trois lieux, l'Europe et les Etats-Unis déploient des représentations différentes de la sécurité et de la paix, Dans le voisinage-sud de l'Europe la stratégie américaine est fortement impliquée à travers l'OTAN, le Partnership for Peace, la présence militaire en ex-Yougoslavie, les accords particuliers avec la Turquie, Israël, la Jordanie et l'Egypte, la guerre continue avec l'Irak. Mais on peut distinguer comme en concurrence deux versions assez divergentes de la sécurité et de la paix qui animent nécessairement le paysage politique et stratégique du vieux continent et constituent deux "écoles" dont la délimitation demeure encore floue. D'un côté on a une école américaine de l'élargissement des alliances, de l'économie de marché et de la pénétration politique et culturelle dans l'espace ex-soviétique et dans l'espace arabo-islamique qui procède par lancement de réseaux transfrontaliers qui peuvent être pétroliers, islamistes ou ethniques. De l'autre on a une présence européenne naturellement hiérarchisée par la proximité ou l'éloignement, mais toujours structurée même en projection lointaine, par la notion de voisinage qui est constitutive de l'Union Européenne elle-même, en tant que zone de paix entre Etats-Nations. Au cœur de toute cette problématique se trouve désormais la Turquie plutôt qu'Israël dont l'enfermement dans une représentation micro géographique de la sécurité minorise désormais l'emprise sur la stratégie mondiale. Qu'elle soit sujet ou objet actif du système international, la Turquie se situe, en tout cas, au carrefour des appartenances, des partenariats et des alliances possibles. Elle pose à elle toute seule le problème général de la relation entre partenariats locaux et leadership global. Israël apparaît aujourd'hui comme provisoirement incapable de mettre fin au "conflit" avec les Palestiniens par une paix qui ne soit pas un diktat, et ceci malgré la défaite économique politique et militaire totale du peuple massivement chassé de ses territoires depuis 1948 et longuement soumis à un régime d'occupation militaire depuis 1967, Nous consacrons une chronique au processus de paix palestinien qui n'a pas abouti à la date du 13 septembre, prévue par les accords d'Oslo prolongés par ceux de Charm el Cheikh, mais dont la panne aboutira peut-être, à condition que l'Europe s'en mêle d'avantage étant donné l'incapacité confirmée de l'école américaine de penser stratégiquement une paix juste. Il existe au Moyen-Orient une confrontation militaire permanente qu'on oublie parfois. Une étude est consacrée à l'Irak dans la stratégie américaine, le maintien d'une "guerre unilatérale" contre l'Irak par les anglo-américains suscite des tensions de principes au sein de l'alliance occidentale ; la définition quasi statutaire de l'Irak comme nation ennemie et la prise en otage de son peuple ne convient plus aux intérêts bien compris de l'Europe ni sur le plan éthique ni sur le plan pétrolier, quel que soit par ailleurs le caractère despotique du régime irakien, Enfin la chronique de la paix en panne qui sévit sous forme de guérillas et de guerre paramilitaire barbare en Colombie, c'est-à-dire au flanc sud des Etats-Unis, se poursuit cette année, La "Grande Colombie" dans la Zone Andine devient avec l'avènement du Président Chavez et la révolte indienne et militaire contre la dollarisation en Equateur, une zone de mutation politique. On y trouvera une certaine opposition entre la politique d'intervention militarisée des Etats-Unis et les options de reconversion, socialement raisonnée, de la narco-agriculture en agriculture moderne qui animent les critères européens de l'aide à ce pays déchiré.