Une vieille femme se souvient d'un homme... Nous revenons en 1899, Abel est un vétéran de la Guerre Civile, il vit seul, sur la côte Pacifique, en compagnie d'un chien. Un événement va bouleverser son quotidien tranquille, deux hommes inquiétants volent son chien, et alors que la maladie ne lui laisse aucun répit, il va partir à leur poursuite. En alternance à ce récit crépusculaire et d'une beauté poignante, des chapitres nous offre une exploration de la part obscure du personnage, il se souvient, et nous nous retrouvons en 1864, avant, pendant et après la bataille meurtrière qui
eut lieu dans la forêt de la Wilderness. Les descriptions somptueuses de la nature environnante servent de révélateur à l'humeur des personnages ; les combats sont rendus saisissants par une écriture d'une précision chirurgicale, qui ne ménage jamais le lecteur, la violence explose entre les lignes, la nausée vous prend peu à peu, cette guerre porte en elle les prémices de la future boucherie de la guerre 14. La structure narrative est très habile, les différents personnages rencontrés par Abel offrant un point de vue décalé sur son itinéraire, on comprend au fil des pages, à mesure que se révèle les drames qui jalonnent son passé, ce qui l'a poussé vers la solitude. Cette traversée de la nature sauvage est comme une renaissance, un viatique permettant d'échapper à une destruction totale de sa part d'humanité. On se penche parfois sur les traces que la mort d'autrui laisse en nous (pour Abel une femme, une fille, des compagnons lors des combats), sur le tourment et la souffrance du deuil. Or c'est une expérience décisive que le deuil, qui touche en profondeur, et qui peut influencer notre rapport au monde. La mort est ressentie comme quelque chose qui arrive, en situation de solitude - de part et d'autre -, à un autre, et sous la forme d'un anéantissement. Ce magnifique roman prend une dimension tragique, c'est un conflit qui ne peut se résoudre entre deux ordres : celui, inhumain, de ce qui n'apparaît pas, ne délivrant que des symptômes ou des signes, et celui, humain, qui se présente sous nos yeux dans la limpidité apparente du visible (une petite fille aveugle, des pleurs qui révèlent une angoisse si humaine, la nature). Or le tragique ici est comme un afflux de sens incontrôlable, qui nous montre la valeur positive d'un être humain dans sa confrontation avec un savoir qui est toujours une puissance supérieure. L'éditeur a été tellement enthousiasmé par ce premier roman qu'il a d'ores prit l'engagement de publier le second qui est en court d'écriture, et que l'on attend avec impatience.
épopée dans l'Amérique sauvage
Wilderness c'est à la fois la "nature sauvage" et le nom d'une des batailles les plus sanglantes de la Guerre de sécession.
Le roman de Lance Weller est effectivemment les deux : une formidable "balade" dans les Etats-Unis du XIXème siècle ou les descriptions de la nature environnante sont somptueuses et un rendez-vous avec la dureté, l'horreur de ce qu'à été cette guerre civile américaine.
Tout cela en suivant l'épopée héroïque de Abel Truman, rescapé de cette guerre fraticide, dont les fantômes vous hanterons longtemps...
Bref, une trés belle réussite pour le premier roman de Lance Weller.