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Schopenhauer, le vieux prophte , disait Nietzsche. Paru en 1819 dans l'obscurit la plus totale, son ouvrage majeur, Le Monde comme Volont et comme reprsentation, lui a valu d'atteindre en 1900 une clbrit posthume telle qu'aucun penseur n'en a jamais connue influence que son extension mme a fini par occulter aujourd'hui. Car Schopenhauer a fait cristalliser la crise des croyances qui marque la fin du XIXe sicle, dessinant pour l'avenir la physionomie de l'homme moderne.
Un homme qui sous un ciel vide prouve dans le ressentiment la condition qu'il s'est lui-mme assigne : un intellect rgi secrtement par des pulsions irrationnelles, une concurrence vitale qui l'isole de ses semblables et de la nature, une sexualit dominatrice mais sans joie, une irresponsabilit aveugle vis--vis de son propre comportement comme de l'histoire collective, bref l'enracinement de son existence entire dans une inconscience fondamentale.
Nietzsche et Freud n'ont pas t les seuls hritiers de Schopenhauer qui a remodel ce territoire invisible sur lequel la littrature difie son discours. Aussi est-il prsent, on l'ignore gnralement, dans la gnalogie de tant de grands crivains de Tolsto, Strindberg, Maupassant, Conrad, Proust, Pirandello, jusqu' Kafka, Thomas Mann, Cline, Beckett, Bernhard. Ce sont les voies de ce renouvellement inventif qui sont ici traces.