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K.O. 2 e round. Avec « Mutismes » finalement, Titaua Peu ne faisait qu'entrouvrir la porte pour dénoncer les silences. Avec « Pina », elle la défonce, la fait claquer, rebondir, résonner avec rage voire colère haineuse et crûment arrache les voiles devant toutes les violences : familiales, sociales, politiques, coloniales. Et elle nous laisse tous K.O. si tant est qu'on « tienne le combat » jusqu'au bout.
Pour ce faire en Almodovar de la littérature polynésienne -, l'auteure a choisi une famille qui cumule toutes les misères de cette terre : un couple, Auguste et « Ma » et une famille nombreuse dont trois « absents » parce qu'adoptés il y a longtemps. Pour ceux qui restent, Auguste junior, Hannah, Pauro, Rosa, Pina et Moïra, c'est un destin de « survivant » qui les attend. Survivre aux violences sous toutes ses formes : morales, affectives, sexuelles, sociales, survivre aux abandons, absences, silences, incestes, peurs, dépréciations, exploitations, clichés, désamours, manques, folies...
Pour survivre, les amours vraies et les amitiés, celles de la tante Poe et de l'oncle Teanuaua, des amants François, John, Michel , l'intelligence de chacun, le goût d'en sortir, la soif de justice, pas forcément celle des hommes. La question se pose d'ailleurs tout au long du roman au fond - qui survivra ou non et comment ? - avec cette petite phrase qui jalonne toute l'histoire et laisse entendre qu'un petit corps est retrouvé pendu.
On se doute assez vite d'ailleurs qu'il s'agit de Pina, petite enfant noire aux cheveux crépus, délaissée. Pina, le pivot et le coeur du roman, plantée là comme une conscience ignorée, esseulée, bafouée. C'est un livre. Une fiction où tout le monde (Polynésiens comme Popaa, locaux comme métro, hommes d'affaires libidineux comme vahiné oublieuse de sa dignité, croyant comme athée, anciens comme nouveaux colons) en prend pour son grade.
L'écriture simple et directe, très orale souvent, alourdit un peu plus la sentence. Un grand cri de rage trempé dans la sueur, le sang, le sperme et les larmes. Soyons francs : entrer dans les pages vertigineuses d'un Tahiti qu'on ne dit pas ne laissera personne indemne. On aimera, on s'attachera. Ou... on détestera. C'est le risque pris par l'auteur. Un risque qu'elle assume avec insolence bien souvent.
Et l'on est en droit de se demander pourquoi ? Quelle urgence ? ... Sans doute il n'y a aucune urgence à étaler les chairs ouvertes. Parfois pourtant, dans des moments salvateurs, mêler les odeurs, les couleurs, les sons si particuliers d'une terre aimée passionnément est le seul exutoire. Pas d'urgence et sous le sable noir, la plage ? Pas d'urgence, simplement le besoin de libérer (de nouveau) une autre parole