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Nos démocraties font des lois en abondance. Mais à force de légiférer, la raison d'être des lois a fini par nous échapper : souvent, elles répondent à nos attentes immédiates plutôt que de se mettre au service du bien commun. Pourquoi cette inadéquation des lois à l'esprit des lois ? Il faut remonter aux grands penseurs de la politique moderne, Montesquieu ou Rousseau, pour le comprendre. Ils ont placé la loi au coeur de l'action politique : se gouverner soi-même c'est avant tout légiférer.
Mais ils n'ont pas livré le mode d'emploi de cet acte fondamental. D'autres ont tenté, avec plus ou moins de succès, d'armer la loi d'un discours de la méthode. Ce livre reconstitue l'histoire de cette ambition prométhéenne : penser le travail du législateur à la fois comme oeuvre de la raison et comme activité empirique. Il revisite la loi des temps anciens et sa métamorphose, à l'épreuve de notre modernité politique, en une multiplicité de législations : autrefois le Prince faisait loi, aujourd'hui chaque législation nouvelle s'incorpore dans tout un système.
Nous ne pouvons nier notre dette envers les fondateurs d'une science de la législation, écrit Denis Baranger. Il reste que notre usage de la loi doit autant sinon plus aux praticiens du droit - magistrats, avocats, jurisconsultes - qui sont les porteurs d'un savoir bâti au fil d'une expérience indéfiniment remise sur le métier.
Vivifier l'esprit de lois?
Comment est-on passé d'une époque de gouvernement des consciences en laquelle histoire de la police et histoire de la législation sont pratiquement confondues, à la notre de gouvernement des conduites par l'oeuvre du législateur dans le sens d'un accroissement du bien-etre sous l'égide des Droits de l'Homme? Denis Baranger, professeur de droit public, nous offre une étude historique passionnante de la législation et du législateur, leur role, leur ancrage dans le concret des moeurs et le background idéologique dessiné par les philosophes et les juristes depuis le XXVIIème siècle jusqu'à nos jours, car, "dans l'opération de législation, pratique et spéculation philosophique ne sont en aucun cas séparables", écrit l'auteur. Nous n'avons en effet pas affaire à une science achevée et parfaitement codifiée mais à une tentative sans cesse recommencée de définir et redéfinir les contours de l'humain au regard de ce qu'il s'interdit selon une rationalité elle-meme en mouvement. Ce livre en étudie les rouages pour éviter notamment qu'ils ne se grippent actuellement car "je ne crois pas que c'est en changeant les lois sur le terrorisme qu'on arretera le terrorisme" dit notamment Denis Baranger au micro de France culture ; pour lui, il y a urgence à ne pas continuer de laisser se dévaluer la loi en notre époque saturée de normes. Ce texte qui est aussi une fine analyse de l'histoire politique européenne y contribue magistralement, et limpidement -j'ai trouvé particulièrement passionnantes les pages consacrées à "écrire le droit naturel".
(Cas pratiques : que faire des "fake nevvs" et du téléphone portable à l'école?)