Extrapolant à l’extrême nos tendances contemporaines, Lilia Hassaine imagine une crédible contre-utopie, où la dictature de l’ultra-transparence aboutit au triomphe de l’hypocrisie dans une société retranchée derrière les apparences.
Nous sommes en 2049. Depuis que, vingt ans plus tôt, la « Revenge Week » – semaine de la vengeance – a tourné à la révolution sanglante lorsque les victimes de harcèlement, de crimes familiaux et de délits écologiques ont entrepris de se faire justice dans la violence, et que, pour apaiser le pays, le gouvernement a adopté une nouvelle
Constitution, la France métamorphosée vit sous le règne de la Transparence, un « pacte citoyen fondé sur la bienveillance partagée et la responsabilité individuelle ». Ceux qui le désirent – précisons : et qui en ont les moyens – peuvent vivre en totale sécurité dans des quartiers transparents, constitués d’habitations de verre qui les livrent au regard bienveillant et protecteur d’autrui. Les autres sont libres de s’entasser en marge, à leurs risques et périls, dans des zones de non-droit – devenues, il faut le dire, de plus en plus défavorisées au fil du temps.
C’est dans l’un de ces quartiers de verre, où ni secrets ni criminalité n’existent plus, qu’à la stupéfaction générale, une famille s’évapore au nez et à la barbe de tous. Ravie de reprendre du service alors qu’elle n’était plus depuis longtemps qu’une « gardienne de protection », une ex-commissaire est chargée d’enquêter. Car, crime il y a bien eu. Et, malgré les déboires de sa propre vie privée et, bientôt, les pressions dans cette société boule de verre propice aux effets de loupe, il va lui falloir faire la part des mensonges et des hypocrisies pour mettre au jour les vérités sordides camouflées sous la perfection affichée.
Captivé par le suspense et par l’original – mais jamais invraisemblable – imaginaire de ce récit habilement construit, dans une langue vive et élégante, entre fable et polar, l’on se retrouve face au miroir, pas si déformant, qu’avec une lucidité critique, l’auteur tend à la société d’aujourd’hui. Montée des populismes, libertés sacrifiées aux obsessions sécuritaires, confusion entre opinion et justice. Vies privées mises en vitrine sur des réseaux sociaux favorisant par ailleurs l’isolement, le conformisme et l’emballement émotionnel au détriment de la réflexion. Vie liquide de l’éphémère et de l’immédiateté, mirage et dictature des apparences dans un monde où tout le monde surveille tout le monde, se compare, aime ou déteste en stigmatisant la différence. Nettoyage des textes de tout ce qui peut paraître incorrect, wokisme : autant de glissements actuels de la société qu’il suffit juste à l’auteur de prolonger pour nous présenter une vision de cauchemar dont il faut bien reconnaître qu’elle paraît à peine dystopique.
C’est un panorama bien inquiétant que nous présente ce roman d’anticipation auquel on n’a aucun mal à croire, tant il reflète de vérités sur les tendances de la société contemporaine. Plus encore qu’une dystopie originale et un polar addictif, ce troisième livre de Lilia Hassaine est un puissant roman social, riche de sens et fort habilement construit. Coup de coeur.
Du crime dans un futur proche dystopique
Dans un futur plutôt proche, un mouvement de révolte contre le système judiciaire entraîne une vague de meurtres commis au nom d'une "auto-justice". En réponse, le gouvernement met en place un modèle de société où les crimes ne peuvent plus être commis: les vitres remplacent tous les murs et toutes les cloisons, les actes de chacun étant ainsi continuellement exposés aux yeux de tous. Cependant, un matin, des voisins découvrent une maison dont toutes les vitres ont été savonnées, les rendant totalement opaques. A l'intérieur, plus personne: juste un gâteau d'anniversaire et une famille disparue.
Une intrigue très bien menée, au cœur d'affaires de voisinages, et narrée par la policière en charge de l'enquête, qui se révèle très touchante.
Un roman policier futuriste original et qui se lit d'une traite!