Notre droit aux drogues

" La détermination de la bonne politique de légalisation des drogues est une question complexe, où les arguments des uns et des autres doivent être contradictoirement présentés, et publiquement débattus, à la fois sur le plan national et international. Tout l'intérêt du livre de Szasz est de lancer ce débat en posant les questions embarrassantes sur le plan des libertés individuelles et collectives. Indépendamment de sa critique justifiée de la prohibition et de la répression, il soulève la question du pouvoir de l'Etat sur les individus dans une société démocratique.
Et plus précisément de son pouvoir de dicter aux gens leur conduite en matière de santé et d'hygiène de vie. Un pouvoir qu'il conteste fondamentalement, pour s'en remettre à l'automédication pour se soigner, et à la liberté de choix pour se droguer. Car comme le disait Casanova : " Dans les mains du sage, le poison devient remède ; dans les mains du fou, le remède devient poison. " Une phrase qui fait confiance à la sagesse de chaque individu, souverain, pour s'occuper de son corps. Même si l'on ne peut le suivre jusqu'au bout sur ce terrain, même s'il est probable que toute forme de légalisation sera plus ou moins contrôlée par l'Etat, même si les travaux récents de la doctrine française sur les monopoles des stupéfiants en Indochine (opium), en Tunisie et au Maroc (haschich), montrent que le recours à des monopoles à vocation sanitaire et sociale peut être une voie d'avenir, il reste que l'on ne saurait écarter du débat la voix de la liberté, incarnée magistralement par Szasz.
Les vrais défenseurs de la liberté, surtout sur ce terrain, ne sont pas nombreux. Et Thomas Szasz est en la matière un pionnier. En défendant notre droit aux drogues, il défriche. C'est pourquoi, quelque soit l'avenir de ses idées, il aura réussi le rêve de tout intellectuel qui se respecte : rendre le monde moins stupide après son passage qu'avant. "