En cours de chargement...
Ce matin-là, un employé municipal, Augustin, découvre un nourrisson sur la décharge publique d'un quartier de Borgu-Serena. Dans ce faubourg déshérité où l'on prie Notre-Dame de la Miséricorde et raille avec volupté la police, l'ange miraculé s'installe bientôt dans les conversations, chacun commentant avidement le mystère de cette apparition, tandis que l'événement attise la curiosité de la presse, la justice diligente une enquête que les solidarités ancestrales à l'oeuvre au sein de la petite communauté locale ne tardent pas à condamner à l'échec.
Loin de la ville qu'il a fuie le jour même, Augustin dresse, dans son refuge, l'amer bilan du combat indépendantiste auquel il a dédié sa vie : vingt ans ont passé et les ardents jeunes hommes jadis voués à la cause ont sombré dans la violence gratuite ou de mortifères luttes intestines. Pour le vieux militant comme pour le substitut du procureur ou les journalistes, également dépassés, l'enfant abandonné semble, de son anonyme main innocente, être venu désigner les plaies mal refermées et les abcès de fixation auxquelles un Etat impuissant et des institutions nécrosées sont incapables de porter remède.
Mais ce roman incantatoire construit comme un palimpseste fait avant tout entendre le chant douloureux qui monte de ceux qu'une faillite collective condamne à subir leur existence de vivants sur le mode d'une autopsie permanente de tous leurs rêves de rédemption.
Nos anges
Nous sommes à Borgu-Serenu, en Corse. Plus précisément dans le quartier des Sept Fontaines. Un quartier loin des images de cartes postales qui font le bonheur des visiteurs de l'Ile de Beauté. Les Sept-Fontaine est un quartier pauvre, un paysage digne des favelas brésiliens. Un bébé a été retrouvé dans la décharge publique. L'horreur de la situation laisse vite place à la surprise liée à la survie de cette enfant. Depuis combien de temps était-elle là? Qui a pu abandonner une enfant comme un vulgaire rebut.
L'homme qui l'a trouvé, Augustin Bianchi, est une figure du quartier, élève appliqué, il a préféré s'engager dans l'armée pour vivre l'aventure plutôt que de trouver un emploi plus traditionnel. A la mort de son père il est rentré au pays pour s'occuper de sa mère et a trouvé un poste d'employé municipal peu reluisant dans son quartier. Personnage charismatique il s'est vite forgé des idées séparatistes et a crée un groupe frontiste. Augustin a eu affaire à la police et ses activités séparatistes ne l'incitent pas à collaborer avec la police ( représentante de l'Etat français) dans l'enquête concernant l'identité de la petite fille. Il prend donc le maquis et se réfugie dans une bergerie d'où il suit les déroulements de l'enquête à la radio.
Le troisième personnage principal de cette histoire, est le substitut du procureur en charge de l'enquête. En début de carrière, son but est de se faire connaître pour s'assurer un destin national. Courtisant les journalistes pour faire sa promotion, il est vite confronté au silence et à l'immobilisme des témoins éventuels. Impuissant, il se rend vite compte que se sortir de ce bourbier corse ne sera pas chose aisée.
Dans ce roman Jean-Baptiste Predali nous livre un bilan sans concession de la situation en Corse. Un état français impuissant, incapable de se faire respecter. Des groupuscules séparatistes qui au lieu de coopérer se font la guerre. Le grand banditisme mafieux agit au vu et au su de tous et semble détenir le vrai pouvoir. Les anges que pourraient être les groupes indépendantistes pour sauver la Corse du marasme semblent eux mêmes peu convaincus de pouvoir faire évoluer la situation et paraissent résignés.
Nos anges est un roman au style âpre qui rappelle certains paysages corses avec des passages incantatoires qui rendent parfois le texte difficile à lire mais qui mérite qu'on fasse l'effort d'aller jusqu'au bout . Un très beau texte marqué par le désenchantement. Un auteur à découvrir.