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L'oeuvre de Nietzsche ne se présente pas comme un système qui permettrait une catégorisation simple dans un champ disciplinaire existant. Professeur de philologie classique à l'Université de Bâle, Nietzsche a renoncé à sa chaire universitaire pour devenir un philosophe itinérant et un "esprit libre". C'est l'époque où il rompt avec ses anciens mentors : Arthur Schopenhauer, son maître en philosophie, et Richard Wagner, ce "mystagogue dans les secrets de l'art et de la vie" dont il avait salué le projet culturel dans La Naissance de la tragédie (1872).
Nietzsche se méfiera dorénavant de toutes les convictions et de toutes les vérités définitives. Sa philosophie sera une constante expérimentation, nourrie d'innombrables lectures qui forment quasiment un panorama de l'histoire de la culture humaine : des Grecs à la théorie de l'évolution darwinienne, de la cosmologie thermodynamique à l'anthropologie évolutionniste, en passant par l'histoire du christianisme et des religions extra européennes.
On assiste chez Nietzsche à une multiplication indéfinie des perspectives, au fil d'écrits aphoristiques qui ne livrent jamais leur dernier mot. Une problématique essentielle se dessine cependant à travers ces multiples expérimentations : c'est celle d'une philosophie de la culture, qui aspire à "élever" l'homme - tant au sens d'un élevage zoologique que d'une élévation de valeur - pour en faire un être plus épanoui et plus puissant qu'il ne l'a été jusqu'à présent sous l'emprise des valeurs judéo chrétiennes.
Nietzsche propose ainsi une véritable "transvaluation de toutes les valeurs", qui se veut tout autre chose qu'un retour à la barbarie des origines. L'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra a conscience, ce faisant, de s'affirmer comme un philosophe dangereux. Mais il pense que la création est fondamentalement indissociable de la destruction, voyant dans cette idée le secret du "dionysiaque" et donc de la tragédie grecque.
Les postérités de l'oeuvre de Nietzsche confirment son caractère à la fois dangereux et fécond. On ne saurait passer sous silence l'appropriation nazie, qui oblige à s'interroger sur ce qui, chez Nietzsche, pouvait prêter le flanc à un tel détournement. Mais pour autant, il serait injuste de réduire Nietzsche à cette tragique caricature, alors qu'il a trouvé en Heidegger, Deleuze ou encore Foucault des lecteurs bien plus dignes de lui.