" Je m'en vais, mais je vous écrirai ". Promesse tenue. Durant près de quatre ans, Daniel Grodos a écrit du Niger à ses enfants, ses proches, ses amis. De longues lettres qui auraient pu devenir un roman, mais que l'auteur a voulu conserver dans leur spontanéité, telles que sorties de la plume et confiées au courrier. Tantôt graves, tantôt légères, elles sont l'écho des joies et des découragements d'un homme chaleureux et lucide, volontiers provocateur, toujours sincère. On passe du rire au doute, du salon en tôles du coiffeur de rue au grand hôtel où descend la princesse Mathilde de Belgique, en visite dans le pays, et des salles d'hôpital torrides à la case de brousse où officie, secret, le marabout. Les termites et le ramadan, le fleuve Niger et le Ténéré, les fêtes de Tabaski et la mort du père, au loin, l'odeur des frangipaniers et les cailloux du Sahel : la poésie alterne avec les coups de gueule, l'émotion avec l'agacement, la politique avec la médecine, et les balbutiements de la démocratie nigérienne avec les bouffées de mal du pays. Sévère mais sans cynisme, l'auteur ne ménage ni les beaux discours ni les petits côtés de l'aide au développement. Il ne se ménage pas lui-même, d'ailleurs. On est loin du politiquement correct comme de l'autocomplaisance. L'inévitable prisme de la vision occidentale du monde est certes malmené, mais sa réalité et sa force assumées jusqu'au bout. Quelques figures attachantes et hautes en couleurs traversent ces pages, comme celle de Seydou, vrai personnage romanesque, dont l'amitié exigeante et pudique, respectueuse et impertinente à la fois, fournit à ces lettres un fil d'Ariane discret et déroutant.