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Dehors, le bruit des tirs s'intensifie. Rassemblés dans la cour de l'école, les élèves attendent en larmes l'arrivée de leurs parents. La jeune narratrice de ce saisissant premier chapitre ne pleure pas, elle se réjouit de retrouver avant l'heure "son géant". La main accrochée à l'un de ses grands doigts, elle est certaine de traverser sans crainte le chaos. Ne pas se plaindre, cacher sa peur, se taire, quitter à la hâte un appartement pour un autre tout aussi provisoire, l'enfant née à Beyrouth pendant la guerre civile s'y est tôt habituée.
Son père, dont la voix alterne avec la sienne, sait combien, dans cette ville détruite, son pouvoir n'a rien de démesuré. Même s'il essaie de donner le change avec ses blagues et des paradis de verdure tant bien que mal réinventés à chaque déménagement, cet intellectuel — qui a le tort de n'être d'aucune faction ni d'aucun parti — n'a à offrir que son angoisse, sa lucidité et son silence. L'année des douze ans de sa fille, la famille s'exile sans lui à Paris.
Collégienne brillante, jeune femme en rupture de ban, mère à son tour, elle non plus ne se sentira jamais d'aucun groupe, et continuera de se réfugier auprès des arbres, des fleurs et de ses chères adventices, ces mauvaises herbes qu'elle se garde bien d'arracher. De sa bataille permanente avec la mémoire d'une enfance en ruine, l'auteure de ce beau premier roman rend un compte précis et bouleversant.
Ici, la tendresse dit son nom dans une main que l'on serre ou dans un effluve de jasmin, comme autant de petites victoires quotidiennes sur un corps colonisé par le passé.
MAUVAISES HERBES
Entre Beyrouth et paris, le récit à deux voix, d'un père et de sa fille, le récit d'une jeunesse, dans le chaos du sifflement des balles, puis l'exil et les corps hantés des angoisses du passé.
"Mauvaises herbes" est un texte tendre et subtil qui épouse, effleure, de toutes sa poésie sensorielle, les déflagrations de l'intime, la mémoire et la filiation, où les plantes et les mots se font le refuge des ruines du passé, des fragilités du devenir...
Dima Abdallah, sonde l'exil et les effluves de l'enfance dans un premier roman gorgé de saveurs, beau comme un bouquet de jasmin perdu dans les décombres d'une vie à reconstruire.