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"C'est comme un petit feu qui grandit en moi, au coeur du ventre, dans le creux de l'estomac, je l'identifie comme l'envie de gâchis. C'est de plus en plus rare, mais ça fait toujours monter les larmes. Il y a une volonté de faire mal à ceux que j'aime et qui m'aiment, pas tous, certains. Peut-être tous. Je ne sais plus. Je ne suis pas lucide, pas forcément lucide. Je vois la scène, j'imagine les scènes.
La possibilité du drame". La nuit, elle s'ouvre. Elle marche, oublie, se laisse passer sur le corps. Et puis, ça reflue : le souvenir, le gluant qui gicle et colle au cerveau. Mauvaise passe raconte une héroïne à la dérive, une femme qui perd pied devant la violence des hommes et l'indifférence des villes ; mais aussi l'espoir qui revient, éblouissant, comme le soleil du Nord.
"Tout menace de ruine un jeune homme:
.. l'amour, les idées, la perte de sa famille, l'entrée parmi les grandes personnes": "J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie."-la célèbre phrase incipit d'Aden Arabie, de Paul Nizan, illustre bien ce livre -ça marche aussi pour la jeune femme européenne en 2018 ...Voici un récit particulièrement réussi. Clémentine Haenel nous fait ressentir un besoin maternel de la réconforter tout au long de ces cent pages apres, subtilement tissées. Elle nous emmène dans un voyage dans sa psyché sur une tranche de vie, alternant reves et veilles, angoisses et élans vitaux, abattement et fantaisie. Le personnage du récit croque des esquisses sur un carnet et emporte des livres ou des bribes de lectures dans sa dérive. On passera par l'hopital, le commissariat, mais aussi Ho Chi Minh ville, Paris, Londres, Nevv York, la Suède.. peu importe au final : la charge de réalité des faits est lourde à porter, peut etre impossible sans raison de vivre...Une ame à vif, entre ennui, excès, et amours malheureuses (drames pudiquement évoqués, la puissance du livre résidant dans la sincérité de ton, non le « reporting » des faits...), tente d'harmoniser ses déboires par l'alchimie du verbe ; ce faisant, elle trace des sillons entre le normal et le pathologique, dessine un espace palpitant de clair-obscur. L'écriture, éclatante de probité émotionnelle, nous révèle une dimension méconnue de l'espace-temps : celle où s'entretient l'envie de vivre par la magie du verbe. Alors, plutot que de la consoler, lisons-là...