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Living est un roman foisonnant, qui tisse à l'envie plusieurs fils narratifs pour mieux explorer l'inépuisable thème qui le traverse : la mort. Au coeur du livre, il y a le destin de Nito raconté à la première personne. Commencées avant même sa conception, son histoire et celle de ses parents constituent en creux une chronique de l'Argentine des trente dernières années. L'enfance et l'adolescence de Nito, la galerie de personnages qui l'entourent, le rapport fusionnel à la mère, les premiers émois mais aussi la place de la télévision dans le quotidien latino-américain ou encore le choc de la guerre des Malouines y sont admirablement décrits, dans une langue riche, envoûtante.
Nito est un enfant à part, né le jour de la mort de Perrin et marqué par la disparition précoce de son père. De ce traumatisme naîtra une passion macabre qu'il canalisera en devenant prédicateur pour un gourou évangéliste. Ensemble, ils finiront par fomenter un délirant projet : faire embaumer les morts de sorte qu'ils puissent rester à nos côtés pour l'éternité. A cette trame narrative vient se superposer un autre récit en italique, qui prendra corps et sens au fil des pages : on y retrouve Nito dans le présent, dialoguant avec des marginaux, d'étranges amis, sur l'art et l'évolution de la société.
Commencé comme un roman d'apprentissage moderne, le récit construit par enchâssements évolue vers une fresque à la construction subtile : jouant sans cesse sur les rapports de la fiction et de la réalité et les strates du récit, Martin Caparros bouscule toutes les attentes du lecteur en inversant les équilibres du texte : le récit d'apprentissage devient peu à peu une sorte de biographie contenue dans le roman en train de s'écrire : les circonvolutions de la destinée de Nito prennent tout leur sens lorsqu'elles rejoignent celles de l'Argentine contemporaine, dans un final aussi burlesque que macabre.
Délicieusement obscène, admirablement écrit, Living est au fond un grand roman politique, une charge contre l'Argentine des trente dernières années, sa difficulté à affronter un passé extrêmement noir, celui de la dictature, autant que les frasques ultra-libérales de ses dirigeants.
Un destin hors du commun
Dès le départ, il était écrit que Nito n’aurait pas une vie comme les autres. D’abord, il nait le jour de la mort de Peron. Ensuite, après le décès de son père, il grandit entre sa mère et Beto, le petit ami de celle-ci. A l’école, sa situation familiale inspire la pitié. Mais il est intelligent et très jeune, il se rend compte qu’il a un pouvoir sur les gens, un pouvoir de persuasion, de manipulation. Sur sa maîtresse d’école d’abord, puis sur sa mère, il s’exerce. A l’adolescence, il cherche à découvrir ce qui est arrivé à son père et va imaginer diverses morts possibles avant de finalement apprendre la vérité. Au fil des années, il va affiner ce don de persuasion et cet intérêt pour la Mort jusqu’à en faire son métier.
A travers la vie de Nito, l’auteur nous donne à voir la naissance d’un courant artistique et philosophique autour du sort que l’on réserve aux Morts dans notre société moderne et propose une alternative pour le moins étonnante et choquante.
Voici un beau pavé de 500 pages qui nous fait regretter de ne pas lire plus de littérature étrangère. A lire, jusqu’à la dernière ligne.