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Indispensable
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Drôle
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Bouleversant
Description du roman :
Le récit est livré par un narrateur central, un professeur de philosophie qui se rend à un colloque consacré aux écrivains voyageurs, traversant en train un paysage de montagnes enneigées. Le lecteur s’aperçoit rapidement que ce narrateur est mythomane et se plaît à s’inventer des identités variables au fil de ses conversations avec d’autres passagers. Tandis qu’il accumule les notes pour sa conférence intitulée « La quête ontologique du voyageur du divers », une série d’obstacles imprévus liés aux intempéries retarde son arrivée. Bloqué
avec les autres invités dans une petite ville de montagne envahie par la neige, le narrateur est confronté aux autres pensionnaires de l’Hôtel des Glycines : les étudiants représentés par le jeune Frédéric Berlioz et l’anglais Graham Barker, enthousiaste et fantasque, le Docteur Arenberg, philosophe juif américain auteur d’une œuvre décisive sur la métaphysique de l’errance, le professeur Ferguson de l’université de Saint Andrews, rationaliste ironique, la japonaise Mlle Kyoubou qui se singularise par un comportement sadomasochiste, le poète violoncelliste aveugle Umberto Baldi et sa charmante fille Clara dont la présence va bouleverser la paix apparente qui règne dans l’hôtel, la serveuse du Café du Théâtre, prénommée Madame de Warrens à cause de sa ressemblance avec un portrait de la protectrice de J.J. Rousseau.
Accumulant les notes dans son carnet de cuir, le narrateur prend l’habitude d’errer la nuit dans cette ville, découvrant des lieux mystérieux : le théâtre Charles Dullin, le domaine des Charmettes envahi sous la neige, où flotte l’ombre de Jean Jacques Rousseau, une ville proche où il a vécu une vingtaine d’années auparavant. Le lecteur découvre peu à peu que tous les personnages sont en lutte pour une quête du réel à des degrés divers. Obsédé par le retour, le narrateur est déchiré par un conflit entre des possessions matérielles (le retour) et des possessions spirituelles (transparentes) qui affrontent tous les jeux de l’illusion. Seul le poète aveugle Umberto Baldi invite le narrateur (et le lecteur) à voir ce que l’on ne voit pas mais sera rapidement expulsé avec l’assentiment quasi-unanime des invités. Le voyage du narrateur représente donc une série de dépossessions, mais aussi une reprise de la vérité à travers une série d’expériences spirituelles. Le narrateur, tombé amoureux de Clara au cours d’une promenade avec elle et son père dans le domaine enneigé des Charmettes, prendra la fuite la veille de sa conférence, hanté par la nature indicible de ce qu’il veut dire pour se réfugier dans un hôtel désert, dans une petite ville de montagne encore plus isolée en altitude. Est-il sur les traces du vieux poète italien et de sa fille Clara ? C’est dans cet hôtel fantôme qu’il fait l’expérience d’un repas mystique qui va clore le récit avec la vision d’une petite fille qui joue avec l'invisible.
Commentaire :
Le train est une métaphore du temps – il s'agit de mettre le narrateur dans une situation d'observateur plongeant régulièrement dans sa mémoire, de telle façon que le voyage dans le temps double le voyage dans l’espace. La conférence sur le voyage que doit faire le narrateur devrait être une révélation, issue de ce voyage qu'il fait dans un paysage de neige (un effacement symbolique du temps), mais justement elle n'aura jamais lieu, parce qu’il a vécu ce qu’il voulait dire. La fuite du narrateur mythomane est une forme de révélation seconde qui n'apparaît que dans le dernier chapitre sous la forme d'un repas mystique. Les extraits des carnets du narrateur montrent qu’il vit une crise de réalité qui affecte aussi tous les personnages, sauf le poète aveugle Umberto Baldi et sa fille Clara dont la parole est une parole de vérité. Tandis que le narrateur est hanté par le thème du retour et de la nuit dont il va trouver une illustration sur le célèbre rideau de scène du Théâtre Charles Dullin représentant Orphée aux enfers et dans ses conversations avec Madame de Warrens, il va faire l’expérience du sens spirituel du voyage qui est justement le thème de son allocution. Il ne s’aperçoit pas qu’il est en train de vivre ce dont il devrait parler. C’est pourquoi son allocution finale n’aura finalement pas lieu, comme dévorée par la réalité de ce qu’il vit. Au lieu de se dire, le sens du voyage s’incarnera dans l’expérience d’un repas mystique et solitaire, véritable eucharistie amoureuse. De la sorte, chaque chapitre est un commentaire progressif du titre du livre dont le sens n'apparaît que dans le dernier chapitre (le repas mystique) où l'Absente (l'invitée possible qui n'arrivera jamais) engendre la plus haute présence possible à travers le partage charnel de la musicalité du Stabat Mater de Pergolese. Dans ce dernier chapitre, l'Absente (qui est finalement incarnée par une petite fille) est la Musique. C'est un condensé du temps de la grande nature (automne, hiver, printemps, été) qui s’incarne dans un repas et dans l'ivresse sacrée du narrateur. Ce repas d'absences fait écho aux mythes orphiques. Dans ce dernier chapitre, le lecteur est volontairement confronté à l'inaccompli et à l'intensité du possible.
Au cours de ce voyage, chaque expérience, qu’elle soit vécue sur le mode tragique ou sur le mode ironique, transforme le narrateur. Dans la structure polyphonique du récit, plusieurs thèmes s’entrecroisent avec leurs contrepoints : celui de l'enfance magique, celui de la trace, celui de la reconnaissance ou encore celui du retour impossible. En lutte contre des fantômes surgis de ses lectures (ceux d’Ulysse ou encore ceux de J. J. Rousseau et de Casanova qui ont réellement vécu à Chambéry) le narrateur s’efforce de retrouver une réalité à travers des rencontres révélatrices (celles de la jeune italienne Clara et de son père Umberto Baldi, du clochard de la rue de Ducis, de la cantatrice Vera) ou destructrices (la comportementaliste littéraire, le sinistre percepteur rencontré dans un café, la japonaise Kyoubou). Les autres personnages : l’enchanteur, vieux professeur que l’on ne connaît que par son surnom, le docteur Arenberg, le jeune Graham Barker, Madame de Warens, le vieux capitaine parvenu au terme de sa vie ou le passant de Bruxelles qui évoque les marionnettes de Toone) sont des témoins ou des artisans de l'illusion qui font de ce récit une exploration onirique marquée par le surréalisme. Les personnages se plaisent eux-mêmes à évoquer la puissance de l’illusion, par exemple à travers l’histoire du fameux comte de Boigne, dit « le comte perché » ou encore l’évocation du fameux magicien le Grand Lafayette, mort dans l’incendie du théâtre d’Edimbourg. Les écrivains snobs réunis dans une fête littéraire dans une péniche sur la scène offrent eux-aussi un contrepoint au thème de la recherche du narrateur (une quête du réel à travers la mémoire) en mettant en scène un monde creux où chacun apparaît être réduit à sa représentation sociale. Dans le paysage de la littérature contemporaine, ce récit joue avec les jeux de miroirs et les mises en abymes de l’intertextualité. Il répond aux thèmes de la postmodernité de la déconstruction et de la dissémination du sens en mettant en scène des personnages qui luttent pour conquérir leur réalité. En dernier ressort, c’est la puissance d’illusion et de vérité de la littérature qui est interrogée et renvoyée sous forme de question vers le lecteur.
Un roman entre baroque flamboyant et surréalisme
Commentaire :
Le train est une métaphore du temps – il s'agit de mettre le narrateur dans une situation d'observateur plongeant régulièrement dans sa mémoire, de telle façon que le voyage dans le temps double le voyage dans l’espace. La conférence sur le voyage que doit faire le narrateur devrait être une révélation, issue de ce voyage qu'il fait dans un paysage de neige (un effacement symbolique du temps), mais justement elle n'aura jamais lieu, parce qu’il a vécu ce qu’il voulait dire. La fuite du narrateur mythomane est une forme de révélation seconde qui n'apparaît que dans le dernier chapitre sous la forme d'un repas mystique. Les extraits des carnets du narrateur montrent qu’il vit une crise de réalité qui affecte aussi tous les personnages, sauf le poète aveugle Umberto Baldi et sa fille Clara dont la parole est une parole de vérité. Tandis que le narrateur est hanté par le thème du retour et de la nuit dont il va trouver une illustration sur le célèbre rideau de scène du Théâtre Charles Dullin représentant Orphée aux enfers et dans ses conversations avec Madame de Warrens, il va faire l’expérience du sens spirituel du voyage qui est justement le thème de son allocution. Il ne s’aperçoit pas qu’il est en train de vivre ce dont il devrait parler. C’est pourquoi son allocution finale n’aura finalement pas lieu, comme dévorée par la réalité de ce qu’il vit. Au lieu de se dire, le sens du voyage s’incarnera dans l’expérience d’un repas mystique et solitaire, véritable eucharistie amoureuse. De la sorte, chaque chapitre est un commentaire progressif du titre du livre dont le sens n'apparaît que dans le dernier chapitre (le repas mystique) où l'Absente (l'invitée possible qui n'arrivera jamais) engendre la plus haute présence possible à travers le partage charnel de la musicalité du Stabat Mater de Pergolese. Dans ce dernier chapitre, l'Absente (qui est finalement incarnée par une petite fille) est la Musique. C'est un condensé du temps de la grande nature (automne, hiver, printemps, été) qui s’incarne dans un repas et dans l'ivresse sacrée du narrateur. Ce repas d'absences fait écho aux mythes orphiques. Dans ce dernier chapitre, le lecteur est volontairement confronté à l'inaccompli et à l'intensité du possible.
Au cours de ce voyage, chaque expérience, qu’elle soit vécue sur le mode tragique ou sur le mode ironique, transforme le narrateur. Dans la structure polyphonique du récit, plusieurs thèmes s’entrecroisent avec leurs contrepoints : celui de l'enfance magique, celui de la trace, celui de la reconnaissance ou encore celui du retour impossible. En lutte contre des fantômes surgis de ses lectures (ceux d’Ulysse ou encore ceux de J. J. Rousseau et de Casanova qui ont réellement vécu à Chambéry) le narrateur s’efforce de retrouver une réalité à travers des rencontres révélatrices (celles de la jeune italienne Clara et de son père Umberto Baldi, du clochard de la rue de Ducis, de la cantatrice Véra) ou destructrices (la comportementaliste littéraire, le sinistre percepteur rencontré dans un café, la japonaise Kyoubou). Les autres personnages : l’enchanteur, vieux professeur que l’on ne connaît que par son surnom, le docteur Arenberg, le jeune Graham Barker, Madame de Warens, le vieux capitaine parvenu au terme de sa vie ou le passant de Bruxelles qui évoque les marionnettes de Toone) sont des témoins ou des artisans de l'illusion qui font de ce récit une exploration onirique marquée par le surréalisme. Les personnages se plaisent eux-mêmes à évoquer la puissance de l’illusion, par exemple à travers l’histoire du fameux comte de Boigne, dit « le comte perché » ou encore l’évocation du fameux magicien le Grand Lafayette, mort dans l’incendie du théâtre d’Edimbourg. Les écrivains snobs réunis dans une fête littéraire dans une péniche sur la scène offrent eux-aussi un contrepoint au thème de la recherche du narrateur (une quête du réel à travers la mémoire) en mettant en scène un monde creux où chacun apparaît être réduit à sa représentation sociale. Dans le paysage de la littérature contemporaine, ce récit joue avec les jeux de miroirs et les mises en abymes de l’intertextualité. Il répond aux thèmes de la postmodernité de la déconstruction et de la dissémination du sens en mettant en scène des personnages qui luttent pour conquérir leur réalité. En dernier ressort, c’est la puissance d’illusion et de vérité de la littérature qui est interrogée et renvoyée sous forme de question vers le lecteur.