Les imaginaires christologiques

Le problème christologique est tout entier résumé dans la question de Jésus : "Qui dites-vous que je suis ?". C'est le Jésus du texte et non celui de l'histoire que nous interrogeons ici. Il est singulièrement incompréhensible, présent et absent. Déjà là et point encore advenu, mort et ressuscité, auprès du Père et chez lui. Il est la tache aveugle de la représentation, et le lieu où s'origine, en régime chrétien, la préoccupation et le souci. Il y a là un se tenir problématique, une indécision fondamentale, un effet de tremblé entre le Jésus de l'histoire et le Christ qu'annoncent les Ecritures. Nous irons camper dans certains textes du Nouveau Testament pour en dégager ce que, en sympathie, nous reconnaissons en nous-mêmes. Les objets ainsi dégagés seront "formels" et relèvent de ce que nous tenons pour les éléments discrets constituant l'architectonique du Nouveau Testament. D'où le titre de cet ouvrage : les imaginaires christologiques. Le Christ est la tache aveugle de la représentation, mais il en est aussi la fovéa, ce lieu de la vision la plus précise. Cet invisible est pour nous le "principe architectonique" de la représentation, ce qui fait tenir ensemble les constituants immédiats de la vie, qu'il s'agisse des "documents de la vie" (croyante) au sens de Dilthey, ou de la dimension expérientielle de la disposition intérieure en-deça de tout langage, dans la pure présence. De cette dialectique émerge ce que nous appellerons les "schèmes kérygmatiques" qui nous paraissent commander à la fois les représentations propres au Nouveau Testament et la forme de nombreuses productions littéraires ou artistiques de la culture occidentale.