De 1750 à 1914, les îles bretonnes suscitent. une attention croissante. Elles attirent des regards multiples qui émanent tant d'observateurs " extérieurs ", tels les administrateurs et les ingénieurs, les voyageurs et les touristes, les écrivains et les peintres, que des insulaires eux-mêmes. Elles font naître des émotions, invitent à des pratiques, qui, loin d'être innées et figées dans le temps, se renouvellent et se métamorphosent. Considérées, dans la deuxième partie du XVIIIe siècle, comme des territoires imparfaits à l'aune d'exigences productives et défensives, abritant des populations jugées courageuses et dévouées, voire primitives et vertueuses, les îles sont érigées au cours du XIXe siècle au rang de réceptacles de peuplades inquiétantes et menaçantes, de conservatoires exemplaires de traditions, de paysages sublimes et pittoresques qu'il convient de préserver. Dans le même temps, les insulaires promeuvent une image fonctionnelle qui emprunte largement aux regards des administrateurs, avant de proclamer, avec une intensité croissante, la conscience d'une condition singulière. Les regards intérieurs et extérieurs se croisent, s'entremêlent et se corrigent parfois. Les traces de ces échanges relèvent néanmoins le plus souvent de l'indicible. Simples reproductions des lectures appliquées en d'autres lieux du littoral, exacerbations des caractéristiques de la province bretonne, les représentations des îles recèlent également des singularités qui leur sont propres. Elles révèlent, en outre, que ces espaces cristallisent et livrent avec une grande lisibilité les angoisses, les espoirs, les désirs des sociétés.