Biographie d'Edgar Pierre Jacobs
La première aventure de Blake et Mortimer fut publiée dès le n°1 du journal Tintin entre septembre 1946 et septembre 1949. Cette longue publication du Secret de l'Espadon s'explique par la charge de travail de Jacobs à cette époque : "Mes débuts à Tintin furent extrêmement difficiles, je travaillais à mi-temps pour Hergé, le reste, c'est-à-dire l'après-midi et une bonne partie de la nuit, pour le journal.
Et comme si L'Espadon ne suffisait pas, j'étais également chargé d'illustrer La Guerre des mondes de Wells et une histoire de pirates, plus une couverture toutes les quatre semaines !... Si bien que j'ai été amené à cesser ma collaboration avec Hergé, officiellement le 31 janvier I947." Alors que Jacobs aurait voulu réaliser un récit historico-légendaire pour le lancement de Tintin, on le pria plutôt d'écrire une histoire contemporaine.
C'est ainsi qu'au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il imagina une aventure de science-fiction ayant pour cadre... la troisième guerre mondiale : "L'absurde guerre qui venait de se terminer par le maléfique champignon d'Hiroshima m'avait profondément marqué. C'est comme s'il me fallait exorciser le souvenir humiliant d'une défaite encore mal digérée. La réalisation des vingt premières planches de L'Espadon fut une rude épreuve.
Le scénario n'était qu'un bon synopsis, ce qui m'obligeait à faire les découpages au fur et à mesure, d'où les retards spectaculaires dans la rentrée des planches que je livrais à la toute dernière minute, ce qui provoquait des hurlements du côté de l'imprimerie." La première édition en album du Secret de l'Espadon paraîtra en janvier 1950 aux éditions du Lombard. L'écriture si caractéristique de Jacobs, avec ses longs récitatifs explicatifs, découle de son envie d'une bande sonore, lui qui fut chanteur d'opéra dans la première partie de sa carrière : "Ce qui me gêne tant dans la bande dessinée, c'est que nous soyons toujours au stade du film muet.
C'est pour cette raison que j'insiste tant sur mes commentaires. On me reprochait ça au début : à quoi ça sert de décrire une scène que l'on représente ? Mais c'est simplement par souci de donner un fond sonore à l'histoire en images." Alors qu'il avait déjà en tête le scénario de L'Atlantide, Jacobs opta d'abord pour celui de La Grande Pyramide. Fasciné depuis toujours par l'histoire de l'ancienne Egypte, il imagina résoudre une énigme très controversée : l'existence possible d'une chambre secrète au coeur de la pyramide de Khéops.
Prépubliée dans Tintin entre mars 1950 et mai 1952, cette aventure rencontra un grand succès, fit l'objet de plusieurs thèses et servit de base à de nombreux cours d'Histoire. L'album paraîtra en mai 1954. C'est dans la foulée que Jacohs entamera la réalisation de ce qui deviendra son album le plus célèbre : "Vers les années 1951-1952, les milieux scientifiques se montraient fort préoccupés par diverses expériences sur le cerveau auxquelles on se livrait un peu partout.
Il y avait de quoi faire phosphorer les neurones de l'auteur de science-fiction le plus blasé. Et ainsi naquit La Marque Jaune." Lors de la prépublication, Jacobs s'attira les foudres de la bien-pensance de l'époque : "La séquence de l'autocritique de Vernay, Calvin et Mac Comber (planche 59), provoqua un véritable scandale ! Il paraîtrait même que l'éditeur parisien aurait dit à ce moment que si l'histoire n'en était pas à six planches de la fin, elle serait stoppée...
Dès le début d'ailleurs, il y avait eu des accrochages, comme en témoigne cette bouffonnerie au sujet de la case 8 de la planche 18, où l'on voit le Dr Septimus un magazine à la main. Ce magazine était le très respectable Illustrated, que je prenais chaque semaine pour ma documentation anglaise. Le hasard voulut que, la semaine où je dessinais cette planche, la couverture montrait la photographie d'une ballerine assise sur un panier.
Lorsque les premières épreuves sortirent de presse, il n'y eut qu'un cri : "Jacobs est un cochon." Complètement affolée, la rédaction fit immédiatement tramer les jambes de la danseuse. Ce fut pire encore ! Enfin, en désespoir, on fit tramer le tout !..." Prépubliée dans Tintin entre août 1953 et novembre 1954, La Marque Jaune paraîtra en album au Lombard en avril 1956.