Le voyageur en noir

Si l'on connaît l'auteur britannique John Brunner pour ses coups d'éclats SF, tel que Tous à Zanzibar ou Le Troupeau Aveugle, on oublie par contre sa seule incursion dans le domaine de la fantasy, l'ayant accompagné durant 19 ans d'écriture parcellaire. Nous parlons ici bien sûr du Voyageur en Noir, ouvrage de fantasy rappelant la magie d'une histoire des Milles et Une Nuits, réédité pour la première fois depuis un long moment chez les éditions Mnémos et préfacé par Patrick Moran. Le cadre de cette épopée narrative prend place au sein d'un monde où la magie, figure centrale de la création et élément phare du quotidien humain, perd peu à peu sa place à cause du chaos ainsi généré. Ici, nous parlerons bien de chaos primordial, et pour lutter contre cela, il ne reste que ce mystérieux voyageur en noir, entité inconnue mandaté par la Créatrice elle-même afin de ramener l'ordre. Ainsi, le voilà arpentant les contrées d'un monde aux confins du temps et de l'espace, armé de son baton de lumière, afin de rencontrer les humains et amener l'ordre au sein du vaste chaos ambiant. Mais faites attention aux vœux que vous proférez devant lui, car bien mal acquis l'inconscient qui formulerait un peu vite sa requête sans réfléchir... rois, paysans, reines, déités, personne n'est à l'abri ! Le Voyageur En Noir est donc un récit d'aventure particulier, puisqu'il explore les vices de l'humain afin de construire des récits à la charge allégorique palpable : un marchand véreux, un roi égoïste, une femme exploitant la magie à mauvais escient... Si les enjeux cosmiques semblent peu tangibles, il s'en dégage malgré tout une poésie sensible et une mélancolie savoureuse comme seul arrive à en concevoir Brunner. Et il est impossible de ne pas mentionner cette sensation de fin inéluctable qui transpire tout au long des cinq récits, fin dont on ne sait vers où elle amènera mais vers laquelle il est impossible de ne pas aller. Car c'est finalement ça, la beauté dramatique du Voyageur En Noir : ce regard porté sur l'humain, sur sa fatalité à faire les choses mal, mais au sein duquel des entités tentent de redresser la barre avant le chavirement final.