En cours de chargement...
"Le corps du voleur de morphine flotte sur le fleuve comme
une feuille. Peu lui importe la puanteur et la température
glacée de l'eau. Le courant lent et verdâtre l'éloigne du village
pour le mener à l'intérieur de la guerre. Les soldats le voient
glisser lentement et le prennent pour un cadavre. Il passe
comme un radeau silencieux près d'un peloton de Chinois,
puis des gringos et, enfin, des Colombiens venus épauler les
gringos dans une guerre qui ne les concerne en rien.
Hussards
et corsaires, samouraïs et Vikings, légionnaires et hoplites,
tous le croient mort. [...]. En moins d'un mois, le Maigre s'était
mis à fumer de la marijuana comme un orang-outang et avait
découvert que ce conflit en cachait un autre, un combat
halluciné où les Jaunes aveuglés par l'opium attaquaient les
bunkers des Américains grisés d'herbe qui les accueillaient
avec des rafales de balles.
Il y avait aussi les Coréens du Nord
qui buvaient une gorgée de soju avant de se précipiter sur les
mitrailleuses des marines portoricains surnageant grâce aux
métamphétamines. Un combat se livrait au sol, organique et
sanguinolent, tandis qu'un autre se disputait trois ou quatre
pieds plus haut, tissé par les fils de l'ivresse. Et dans cette
guerre d'en haut, les hommes n'avaient pas peur.
Or l'absence
de peur est l'un des dons les plus précieux de l'humanité."