Le temps des journalistes - L'invention de la presse en Afrique francophone

La presse africaine a connu son heure de gloire : au début des années 1990 elle fut en Afrique francophone un acteur décisif de la marche des Etats africains vers le pluralisme politique. Aujourd'hui serait venu le temps des désillusions, alors même que le paysage médiatique - à commencer par la radio - s'est spectaculairement diversifié. De l'engagement initial, assumé avec enthousiasme, il reste en effet peu de choses. Déconnectée de son public, économiquement impotente, la presse n'apparaît plus que comme une création opportuniste, animée par des journalistes peu soucieux de professionnalisme qui se livrent sans retenue à la propagande, à la diffamation et au sensationnalisme, coexistant parfois avec l'intoxication et la haine... après avoir rempli une fonction libératrice, le journaliste africain serait devenu un parasite social. Ce personnage très décrié est en même temps l'objet de nombreuses attentions, à commencer par celle des bailleurs de fonds. Ceux-ci multiplient les interventions dans le secteur, poursuivant avec une remarquable incoordination ce qui apparaît comme un fantasme : l'amélioration de la pratique journalistique en Afrique, sans prise en compte de ses contraintes et de ses spécificités. Alors que la réalité de leur environnement est faiblement appréciée, les journalistes africains restent en effet mal connus et globalement incompris. Peut-on enfin oublier que ce journalisme, qui demeure avant tout un journalisme de combat, est chaque jour à inventer dans des conditions le plus souvent inouïes... C'est en partant d'un tel constat que ce livre veut proposer un changement de perspective, qui passe par une relecture de l'histoire des médias d'Afrique francophone. Avant d'envisager la question cruciale : quelle est, au juste, dans cette Afrique de la démocratie en transition (et des crises à répétition), la fonction du journaliste ?