Biographie de Jean-Louis Brau
Jean-Louis Brau (1930-1985) assiste à dix-sept ans au récital
d'Artaud de retour de Rodez au théâtre du Vieux-Colombier.
L'année suivante, il rencontre Gil J Wolman au CIME (Comité
national des écrivains) d'Elsa Triolet et Louis Aragon, puis
crée sa revue Transit en 1949. Wolman et Brau assistent à une
performance du jeune poète François Dufrêne et décident de
rejoindre le groupe d'avant-garde lettriste d'Isidore Isou dont
Brau va devenir l'un des membres historiques, créant ses
instrumentations verbales (selon un terme emprunté à René
Ghil) déclamées ou plutôt hurlées dans les boîtes de Saint-
Germain comme le Tabou.
Il participe aussi à deux revues
lettristes Ur et Front de la jeunesse et commence un film, La
Barque de la vie courante, qui restera inachevé. En 1952, il
fonde avec Wolman, Berna et Debord l'Internationale lettriste
dont l'esprit annonce la future Internationale situationniste,
groupe duquel il sera vite exclu, pour "déviation militariste".
De retour d'Indochine, où il sera entre autres tenancier de
bordel pour les troupes françaises et trafiquant d'opium, Brau
s'engage en Algérie de 1956 à 1958, puis rentre à Paris et
publie le manifeste Ptotel'asymptotel'asymptotel.
Au début des
années soixante, il reprend contact avec Wolman, expose ses
toiles, puis retrouve Isou, Lemaître, Spacagna et les autres
lettristes pour des actions ponctuelles, bien qu'il réside aussi
en Angleterre au coeur de la révolution pop. Il écrit une Suite
algérienne, la Cantate pour l'interdiction de Mandrake, fonde
la revue A avec Wolman et conçoit un impressionnant roman
méta-graphique : No More, nouvelle narration aux allures de
BD.
En 1964, avec Wolman et Dufrêne, il s'écarte à nouveau
et définitivement du lettrisme pour fonder... une Deuxième
Internationale lettriste (DIL). A la fin des années soixante, il
publie le premier livre sur Mai 68, Cours, camarade, le vieux
monde est derrière toi, puis une biographie d'Antonin Artaud,
un roman-photo, Le Voyage de Beryl Marquees, mais aussi
une très documentée Histoire de la drogue, un dérisoire Guide
du bricoleur, il infiltre Larousse pour y caser un Dictionnaire
de l'astrologie et préfacer le best-seller Comment être bien
dans sa peau...
Proche de l'esprit beat, touche-à-tout explosif,
Brau laisse une oeuvre brève décousue et inaboutie, d'où
surnagent d'extraordinaires réussites, que ce soit dans l'art
plastique avec des transferts sur toile, réalisés entre 1963 et
1966, sorte de mixage du lettrisme et du pop art proche des
tonalités des art scotch de Wolman; mais aussi avec ses
poésies lettristes et sonores, comme en témoigne Turn Back
Nightingale (1972), où Brau apostrophe François Dufrêne, sur
fond de drums désarticulés et de saturations pré-punk.
Puis il
semble cesser toute activité artistique, refuse toute exposition
et se consacre à sa nouvelle vie d'homme de lettres. En 1972,
Brau publie Le Singe appliqué, le roman de sa vie, en même
temps qu'un livre rapidement censuré, Les Armes de la
guérilla, et écrit dans le journal Nostradamus sous le
pseudonyme de Mage Grégory. Des paras au paranormal,
Brau, le baroudeur, l'aventurier révolté aux accents de Blaise
Cendrars est, plus de vingt-cinq ans après sa mort, nulle part et
partout : réédité en vinyle à Milan, accroché aux murs du
Centre Pompidou ou du musée Reina Sofia à Madrid; et même
squattant dans les étagères de vos bibliothèques.