Olivier Truc nous emmène en Laponie au cœur des rivalités modernes entre autochtones, les Sami et habitants des pays qui constituent ce territoire (suédois, finlandais, norvégiens).
Les terres Sami sont ainsi convoitées pour les pâturages mais aussi pour la richesse du sous sol en minerai (notamment l’uranium). Comme tout peuple autochtone, il risque d’être anéanti par intérêt financier et par racisme. L’auteur explique la situation en évoquant les rivalités entre les différents partis politiques.
Klemet, d’origine Sami mais dont la famille a quitté le métier de bergers,
a connu dans son enfance les persécutions des pasteurs laestadaniens qui voulaient "convertir" les lapons et anéantir les traditions des Sami. Il a intégré la Police, fait partie de l’enquête sur l’affaire Palme et se retrouve aujourd’hui sur son ancien territoire dans la Police des rennes. Son rôle, avec la nouvelle recrue Nina est de régler les conflits entre bergers. Et ils sont nombreux depuis la redéfinition des frontières.
Son travail quotidien va devenir plus intéressant après le vol d’un tambour ancestral au musée et la mort d’un berger issu d’une famille de chamans. Nina fera le lien entre ces indices et une ancienne expédition de 1939 à laquelle participaient Mons, le français qui avait légué le tambour au musée, des scientifiques et des guides Sami.
Au delà de l’enquête passionnante, l’intérêt du récit se situe dans la découverte d’un peuple et d’une région. En janvier, le pays sort péniblement des journées sans soleil, avec des températures avoisinant les moins quarante degrés. C’est inévitablement une autre façon de vivre, emmitouflé dans les habits en peau de rennes, réfugié sous les tentes Sami.
Les Sami, personnages un peu primitifs, sous leurs couches de vêtements, sous leur aspect bourru cachent une grande douceur et humanité. Aslak en est l’exemple le plus attachant.
En lisant ce roman, vous découvrirez que les dessins des peaux des tambours, les paroles des chants ( les joïks) peuvent receler des informations importantes sur l’histoire des Sami. Les chamans ont transmis leurs légendes, leurs coutumes, leurs traditions ancestrales au travers de ces dessins et paroles.
Le dernier lapon est un roman très dense, que certains pourront trouver un peu lent dans sa première partie ( les notions de temps et de distance sont différentes en Laponie!) mais qui se révèle finalement d’une grande richesse.
Olivier Truc réussit un roman noir passionnant par sa quête aux indices, intéressant pour la découverte d’une civilisation, fascinant pour son atmosphère dans un climat rude, humain pour l’intimité cachée de ces bergers un peu rustres, moderne pour les rivalités politiques et économiques.
Un policier sur fond d'extinction culturelle
La Laponie est un désert gelé au nord de la Scandinavie, si reculé que les états qui le possèdent ont renoncé à y garder leurs frontières. On y vit de tourisme, d'agriculture et d'élevage ... l'inspecteur Klemet Nango y exerce la profession rare de policier des rennes. Les habitants sont si rares qu'on pourrait penser qu'il n'y aura pas assez de suspects pour faire une enquête digne de ce nom.
Et pourtant, la sauce prend: Klemet le sami acculturé, Nina sa jeune coéquipière, Brattsen le flic rival, le vieux Olsen, Aslak l'éleveur de renne, Olaf l'activiste sami et Racagnal, la brute épaisse, forment une troupe de personnages bien trempés et intéressants qui construisent l'intrigue.
Mais l'intérêt du livre c'est l'histoire de l'acculturation et de la mort d'une civilisation qu'Olivier Truc raconte à travers cette enquête au delà du cercle polaire.