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L'enquête de terrain d'Anna Lowenhaupt Tsing commence dans les forêts dévastées de l'Oregon aux Etats-Unis, où les grands pins ponderosas ont été coupés pour alimenter l'insatiable industrie du bois, et se termine dans celles du Yunnan, où la marchandisation fait des ravages dans les campagnes, après être passée par la Laponie et le Japon. Le sujet du livre ? Le matsutake, un champignon très cher au Japon qui ne pousse quasiment plus sur l'archipel nippon et qu'il faut donc importer.
Anna Tsing va explorer les mondes que ce champignon éclaire ou même fabrique. Le matsutake n'est donc pas un prétexte ou une métaphore mais une loupe pour observer le monde. Les cueilleurs de l'Oregon sont des réfugiés d'Asie du Sud-Est, des vétérans des guerres américaines ne pouvant plus vivre en ville, des sans-papiers... Ce sont des précaires qui vendent chaque soir les champignons qu'ils ont trouvés.
Pour l'auteure, la " précarité " n'est pas seulement un terme décrivant la condition des cueilleurs sans emploi stable ni aucun des avantages liés au salariat mais, avec celui de " ruines ", un concept pour penser le monde dans sa globalité. Anna Tsing montre comment le modèle de la plantation de canne à sucre au Brésil, en tout point opposé à une forêt de matsutakes, a été le modèle du capitalisme fordien aujourd'hui en train de disparaître.
C'est dans les rapports entre le Japon et les Etats-Unis que le capitalisme s'est totalement réinventé depuis la Seconde Guerre mondiale, l'Europe ne jouant manifestement aucun rôle. Mais quelles seront les conséquences à terme de ces changements pour ce continent au-delà du seul problème dit des délocalisations ? Suivre les matsutakes mène aussi à une nouvelle manière d'apprécier la biologie et la science.
Les champignons sont une espèce vivante si particulière qu'elle fait trembler les fondements de la biologie contemporaine. Ils révèlent aussi pourquoi la " science japonaise " et la " science américaine " ne coïncident pas.