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En septembre 1912, lorsqu'il arrive au sanatorium de Görbersdorf, dans les montagnes de Basse-Silésie, le jeune Wojnicz espère que le traitement et l'air pur le guériront de sa tuberculose. A la Pension pour Messieurs, il intègre la société exclusivement masculine d'une demi-douzaine de patients qui, jour après jour, discutent de la marche du monde et, surtout, de la "question de la femme". Olga Tokarczuk s'empare ainsi du schéma de La Montagne magique de Thomas Mann, paru il y a tout juste cent ans...
et le fait voler en éclats. Car en arrière-plan de ce symposium des misogynies, voici que s'élève la voix d'une entité féminine, omniprésente et omnisciente... Hypersensible, malmené par un père autoritaire, Wojnicz s'efforce d'étouffer son ambiguïté, de dissimuler aux autres ce qu'il redoute encore de devenir. Alors qu'il est question de meurtres rituels et de sorcières ayant trouvé refuge dans la forêt, notre héros va marcher au-devant de force obscures dont il ne sait pas qu'elles s'intéressent déjà à lui.
Le banquet des Empouses
Inquiétude. Effroi. Vanité. Brume. Sacrificiel. Un rendez-vous au sanatorium de Görbersdorf en 1912, un décor majestueux où rôdent la mort, la maladie et les bouteilles de Schwärmerei.
Un formidable roman niché dans les creux et les bosses de poumons phtisiques, qui, à la manière d'un conte de pénombre automnale envoûte et entête, on y entre par la porte, on n'en sort jamais vraiment.
Dans une ambiance à la moribonderie désinvolte et volubile - on boit à tour de bras des liqueurs de plantes en slurpant des cuillères de goulash - des hommes malades viennent aux soins dans une vallée aux vertus réparatrices. Et on discourt beaucoup, on parle et on jase, on a son mot à dire sur tout. De philosophie, de métaphysique, de cosmogonie, de médecine. Et des femmes, il sera beaucoup question. Racontées par des hommes aussi intelligents qu'ils peuvent être ignares, cadenassés dans des idées fermées, des points de vue d'homme, arriérés, grotesques, plantureusement assis sur leur domination.
Une très stimulante réflexion à poumons ouverts, une fine exploration des domaines de curiosité en cours au début du XXème siècle.
Et tout cela observé, du coin de l'œil invisible, par des femmes mythologiques errant des lattes du plancher au voûtes des mansardes.
Drôlatique, inquiétant, ce Banquet des Empouses est un festin royal servi sur un plateau d'argent émaillé par la maîtresse géniale qu'est Olga Tokarczuk.