La Tour de Bruegel

La Tour de Babel peinte par Bruegel le Vieux, au musée de Wien, objet unique et énigmatique. Un livre sur un seul tableau. Non parce que l'érudition de l'auteur est considérable, mais parce que le tableau l'a réjoui, inquiété, questionné, passionné. Le roman d'une enquête. Son origine, son énergie, les déboires, les trouvailles, les fausses pistes, les découvertes, les réflexions qu'elle soulève. L'enquêteur tombe en extase dans un musée, prend le compas de l'architecte, fornique avec les mathématiciens, joue aux papiers découpés dans un train, lit la bible, s'enterre dans les bibliothèques, fait de l'histoire et de la géographie. Il est à Munich, il est à Gand, il est à Rome entre Saint Pierre et le Colisée. Il est derrière la loupe, il compare. Le livre est construit comme la tour : tout est exposé dès le début, mais est redit et revu et rediscuté et approfondi, ou changé de perspective, dans les chapitres successifs, comme un colimaçon, comme une rampe en spirale hélicoïdale... Le tableau, dit l'auteur, nécessite les commentaires multiples, en tant que babillage ; comme étant le babil qui va au moins, en dépit des mots et de la rationalité, gazouiller plusieurs langues autour de cet arbre. Balbutiements en lui ancrés, entés, ou même issus de son tronc comme la diversification pure, car cet arbre énorme est en fin de compte l'arbre même du savoir, qui pousse en forme d'encyclopédie, et qui répond à l'essentielle diversification du monde.