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La parole immigrante inquiète. Elle ne sait pas poser sa voix. Trop aiguë, elle tinte étrangement.Trop grave, elle déraille. Elle dérape, s'égare, s'affole, s'étiole, se reprend sans pudeur, interloquée, gonflée ou exsangue tour à tour. La parole immigrante dérange. Elle déplace, transforme, travaille le tissu même de cette ville éclatée. Elle n'a pas de lieu. Elle ne peut que désigner l'exil, l'ailleurs, le dehors.
Elle n'a pas de dedans. Parole vive et parole morte à la fois, parole pleine. La parole immigrante est insituable, intenable. Elle n'est jamais où on la cherche, où on la croit. Elle ne s'installe pas. Parole sans territoire et sans attache, elle a perdu ses couleurs et ses tonalités. On ne peut pas l'accrocher. Parole féta, parole bagel, parole pistache, parole poivron, parole cannelle, elle a perdu son nom, sa langue et ses odeurs.