Avant d'entamer ce livre, il faut se mettre en condition et écouter le très beau Stabat Mater de Pergolèse, qui vient d'être composé en ce début du 18ème siècle.
Il faut donc être conscient de la modernité de cette musique, qui même sacrée, peut être considérée par l'Eglise comme oeuvre de vanité et dérivatif à la prière, par la beauté des voix.
Par la vue fugace d'une fine cheville et l'écoute d'un timbre sublime de contralto, Sir John, diplomate anglais en poste à Milan, succombe au charme de la voix d'une femme invisible car religieuse.
Par le contact éphémère
du à un évanouissement, Soeur Paola va entrouvrir la porte d'un monde de sensations inconnues et interdites.
Une trame romanesque qui s'apparente bien à la littérature de l'époque, avec les désirs suggérés, la sensualité et l'imagination pour seul support aux élans du coeur, et le rêve, seule nourriture de l'état amoureux.
Et heureusement, aucun effet facile qui aurait pu transformer le récit en roman d'aventure, d'enlèvement et de flibuste.
Une histoire d'amour, élégante, délicate, poétique, d'une exquise sensibilité, pour un fait-divers sulfureux, scandaleux, à une époque où il est impossible de disparaitre aux yeux de la société et de l' Eglise.
Parce que j'adore ce Stabat Mater, parce que je suis une éternelle romantique, parce que, dans une autre vie, je voudrais être une soliste de chant sacré ( ...pas gagné! ), parce que c'est l'Italie merveilleuse et éternelle, cette lecture fut un plaisir.
Onde sensuelle
"Il en caressait le timbre comme il l'aurait fait avec la peau de la jeune fille."
D'une tonalité chaude, profonde, magnétique, la voix de Paola est un don de Dieu. Un instrument aux accents profanes et envoûtants qu'il convient de museler selon les désirs de l'Eglise. Car la “note secrète” du monastère de Sainte Radegonde fait déjà vibrer les hommes et trembler les puissants.
Conteuse sans pareille, Marta Morazzoni décide de taire ou de détourer un événement passé de la vie de son héroïne sans jamais rien cacher de ses choix et de ses atermoiements d'écrivain. Au final, c'est comme si Paola s'animait toute seule et se gaussait de cette apparente liberté, bien décidée à suivre les traces d'une histoire qui lui appartient avant tout. On lui emboîte subrepticement le pas, charmé par l'audace candide de sa douce révolte.