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Dombrovski a vécu presque la moitié de son existence dans les prisons et les bagnes staliniens quand il s'attelle à La Faculté de l'Inutile. Un roman insolite et profond, Le Conservateur des Antiquités, venait de le rendre célèbre. Il se retire du monde pour écrire ce livre où il veut communiquer l'expérience et les réflexions de toute une vie. Il va y consacrer plus de dix ans. Le manuscrit achevé attend dans des planques sures : un jour, peut-être, les temps changeront ; il pourra être publié.
Mais le KGB sait forcer les tiroirs les plus secrets, et l'oeuvre, alors, sera anéantie. Mais les années fuient, et l'auteur va entrer dans sa soixante-dixième année. Comme on lance une bouteille à la mer, il se résout à faire sortir des frontières ce livre testament. Il meurt sans l'avoir vu paraître. Or c'est un très grand livre. Sur un argument qui fut du vécu - sa deuxième arrestation à Alma-Ata en 1937, Dombrovski a bâti une oeuvre monumentale : un panorama de l'univers carcéral et concentrationnaire, qui montre aussi l'appareil de répression policière dans son fonctionnement quotidien ; la fresque d'une société schizophrénique, pourrie par l'idolâtrie et par la délation ; une analyse du stalinisme en tant que destruction des valeurs multimillénaires de la culture ; et une leçon de délivrance a partir d'une méditation poignante sur la Passion du Christ.
Roman de l'horreur et du pardon, roman rigoureusement historique où Jésus a même réalité que Staline, ses victimes et leurs bourreaux, roman de la misère et de la grandeur du roseau pensant, La Faculté de l'Inutile a une résonance universelle. Par le miracle d'une écriture qui oblige a participer, un enfer d'il y a plus de quarante ans cesse d'être celui des autres pour concerner tous les hommes d'aujourd'hui dans toutes les nations.
Parmi les oeuvres suscitées par la terreur qu'on appelle stalinienne, La Faculté de l'Inutile est sans doute le chef-d'oeuvre qui résistera d l'érosion du temps.