Aéroport de Vienne, décembre 2017, Adolphe Hitler vient d’ordonner l’invasion de l’Autriche et va prononcer l’anschluss depuis la terrasse du palais impérial de Vienne. C’est la fin du châpitre du dernier roman d’Eric VUILLARD dont je termine la lecture par coïncidence au moment même où le pilote de l’avion appelle les PNC aux portes pour débarquer...à Vienne. Par le hublot à droite, on voit sur le flanc du fuselage d’un très bel avion blanc, l’inscription commerciale: airberlin !
Eric VUILLARD débute son roman par la scène de soutien financier des capitaines d’industrie
allemands au parti nazi. Ces entreprises que nous consommons aujourd’hui, de Wolkswagen à Hugo Boss, pour en citer deux parmi trente, et qui ont fourni, il y a 80 ans, les panzer et autres panoplies SS. Les phrases sont courtes, bien écrites. Du vocabulaire, mais sans ostentation. Les descriptions sont bien cadrées comme au cinéma. Des phrases robustes comme celles d’un script qui font pourtant de la vraie littérature. Puis le narrateur prend la parole en nous livrant son analyse, comme une voix off. Il dénonce ce mou-du-genoux de Kurt Schuschnigg face à ce qu’il appelle le bluff hitlérien…Il brûle d’envie de réouvrir les procès de Nüremberg. Son livre est une sorte de reconstitution-documentaire-moraliste en quelque sorte ! Format intéressant. Sans être un essai, il est difficile d’ignorer cette dimension en ne saluant que la forme réussie de ce prix Goncourt. On se pose des questions en le refermant…
Pourquoi Eric VUILLARD s’intéresse à l’autrichien ou à l’anglais, en évitant soigneusement les rangs français ? Déja vu ? Pétain, Laval… ? Trop connus ? Il y avait là aussi, matière à dénoncer la compromission sans avoir un ausweiss…
Pourquoi les marques et entreprises auraient elles une morale, et une morale indépendante de celles des personnes qui les animent ? Pourquoi s’en étonner ? Que dire d’une entité symbolique comme la France après la guerre d’Algérie ?
Comment supposer que ce qui a amené la France et l’Allemagne à s’affronter trois fois de manière aussi violente, est définitivement éteint par le seul traité de l’union européenne ? Ne peut-on pas supposer que la bataille s’est déplacée sur le plan économique et que l’Allemagne est entrain de réussir son Raumsleben. Le BREXIT est-il une répétition d’une ancienne méfiance ?
La même compromission des politiques et des peuples existe-t-elle aujourd’hui sur le thèmeéconomique ? Pillages bancaires ? Grèce à la ramasse ? Italie et Espagne, exsangues ?
Françaises, français, procurez-vous « l’ordre du jour » et un AR pour Vienne pour aller vivre le livre chez Sissi. Pour les autres, sédentaires, nourrissez votre embonpoint, prenez-vous des viennoiseries au coin de la rue et lisez moi cela tranquillement à la maison comme si vous étiez dans un salon de thé du quartier de Rathaus.
Et dites moi quelles questions vous vous êtes posées après coup…
Un condensé d'histoire à lire sans attendre !
Le génie se trouve dans la concision. Eric Vuillard nous offre un brillant condensé historique sur l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne le 12 mars 1938 qui sonna le début de la fin de l'Europe telle que nos ancêtres avaient pu la connaître.
Tout dans ce récit y est grinçant et navrant, du financement du parti nazi par le fleuron de l'industrie allemande en 1933 (non sans contrepartie, des centaines de milliers d'ouvriers gratuits des quatre coins de l'Europe), au ricanement de Goering dans le box des accusés au procès de Nuremberg en 1945 à la simple mention de l'Anschluss (car décidément ce fut le plus beau coup de bluff de sa carrière) en passant par l'arrêt brutal des panzers allemands à mi-parcours par manque d'essence rendant Hitler fou de rage (scène tellement surréaliste qu'on la croirait directement sortie d'un film de Charlie Chaplin) jusqu'à l'indemnisation des victimes par les entreprises allemandes tortionnaires qui oseront dire que (décidément encore !) les Juifs les auront bien saignées.
Je suis plus que ravie que ce récit historique d'une grande intelligence ait été couronné du Goncourt 2017 d'autant que je le souhaitais très fort. Chapeau bas Monsieur Vuillard !