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"Comment est-ce qu'on fait ? Je veux dire, comment est-ce qu'on fait pour que quelqu'un vous aime ? " Mal aimée, la jeune Pecola Breedlove rêve d'être vue autrement et de recevoir une plus grande attention. Bientôt, un seul désir anime la petite fille âgée de onze ans : avoir elle aussi les yeux bleus, symbole ultime de la "blancheur" - et donc, pour elle, de la beauté, à l'image des vedettes blondes qui défilent sur les écrans des cinémas.
Elle se dit qu'enfin tout sera différent. Elle sera si jolie que ses parents arrêteront de se disputer, que son père ne boira plus, que son frère cessera de fuguer. Mais son voeu tarde à se voir exaucé, et à l'automne 1941, une rumeur se répand : Pecola est enceinte du bébé de son père. Publié aux Etats-Unis en 1970, l'oeil le plus bleu nous plonge dans la vie tragique et déchirée d'une famille noire pauvre de l'Ohio des années 1940 après la Grande Dépression, et questionne avec subtilité et grâce notre obsession pour la beauté et le conformisme.
Ce fulgurant premier roman de Toni Morrison marque la naissance de l'oeuvre d'une grande romancière. Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Guiloineau.
Fort et dérangeant
L'oeil le plus bleu qui met en scène une jeune fille noire et laide, Pecola qui rêve d'avoir les yeux bleus. Le roman commence avec un étrange prologue, sans lien tangible avec le reste du roman, dans lequel personne ne veut jouer avec une petite fille nommée Jane. On retrouve cette référence à Jane au début de chapitres dans des phrases sans espace entre les mots et sans ponctuation. Le reste de l'histoire est raconté en alternance par Claudia, une autre fille noire et un narrateur omniscient. Claudia vit avec sa soeur Frieda et leur mère recueille la jeune Pecola dont le père semble être une brute.
A travers une série de retours en arrière, on comprend que les parents de Pecola ont été incapables de lui manifester de l'amour, ce qui explique son désir d'avoir des yeux bleus, et qu'eux-même ont vécu des expériences traumatisantes dans leurs vies. Cholly, le père, a été humilié par des blancs lors de sa première expérience sexuelle et Pauline, la mère, se sent désormais mieux dans la famille blanche chez qui elle vit et où tout est confortable plutôt qu'avec les siens. Ce qui nous mène à la scène, celle qui a fait qu'on a tenté d'interdire ce roman dans les écoles, la scène de l'inceste.
Avant de lire ce roman, je ne savais pas qu'il mettait en scène une jeune fille victime d'inceste, cette scène fut donc d'autant plus terrible que je ne l'attendais pas. C'est assurément un tournant dans le roman et cette scène en fait la force puisqu'il entraîne Pecola dans la folie et que Toni Morrison manie le thème de ma folie avec le talent qu'on lui connaît et qu'elle dévoilera sans doute encore davantage dans Beloved. Mais si j'en comprends la portée et la force, j'ai trouvé que cette scène était très dure à cause non seulement de ce qui est décrit mais de ce que ressent le père juste avant l'acte. Les questions que se posent Claudia et Frieda sur le fait que peut-être ce père a été le seul a aimer cette enfant m'ont profondément gênée. C'est donc un roman très fort et dérangeant.