"Dans l'utopie, l'absence de lieu voudrait tenir, si l'on ose dire,
toute la place. Elle désire la discontinuité absolue, sans grande
chance de l'obtenir : qu'il n'y ait aucun rapport entre le
désordre social établi et l'harmonie à laquelle elle aspire – et
surtout pas une relation génétique ! Le monde mauvais n'aura
pas le droit d'engendrer le monde meilleur. Faisons table rase
et repartons de zéro ! (...) L'utopie voudrait jouer de la rupture
radicale, mais elle ne parvient pas à la penser, encore moins à
la provoquer.
Alors elle en rabat de ses prétentions premières.
Elle se contentera d'un site écarté, de la distance à la place de
l'absence. Elle recherchera les abbayes désaffectées, les
vallées perdues, les continents lointains et, surtout, les îles. A
défaut, elle acceptera de camper sur une péninsule. Que la mer
sépare l'idéal du réel ! Mais il faudrait d'abord, pour cela, que
l'utopie convertisse les flots à cet usage.
Un dieu, dans sa
sagesse, dit-on, a divisé la terre par des océans. Sans succès !
Ce que les dieux proposent, les hommes en disposent: La mer
ménage des médiations que l'utopiste lui-même ne dédaigne
pas d'exploiter : il navigue, il colonise. Il n'oublie pas de
donner de ses nouvelles, par la première frégate ! Le pouvoir
de l'imagination n'est que l'imagination d'un pouvoir". (extrait
de "Utopie et liberté", 1973).
"Dans l'utopie, l'absence de lieu voudrait tenir, si l'on ose dire,
toute la place. Elle désire la discontinuité absolue, sans grande
chance de l'obtenir : qu'il n'y ait aucun rapport entre le
désordre social établi et l'harmonie à laquelle elle aspire – et
surtout pas une relation génétique ! Le monde mauvais n'aura
pas le droit d'engendrer le monde meilleur. Faisons table rase
et repartons de zéro ! (...) L'utopie voudrait jouer de la rupture
radicale, mais elle ne parvient pas à la penser, encore moins à
la provoquer.
Alors elle en rabat de ses prétentions premières.
Elle se contentera d'un site écarté, de la distance à la place de
l'absence. Elle recherchera les abbayes désaffectées, les
vallées perdues, les continents lointains et, surtout, les îles. A
défaut, elle acceptera de camper sur une péninsule. Que la mer
sépare l'idéal du réel ! Mais il faudrait d'abord, pour cela, que
l'utopie convertisse les flots à cet usage.
Un dieu, dans sa
sagesse, dit-on, a divisé la terre par des océans. Sans succès !
Ce que les dieux proposent, les hommes en disposent: La mer
ménage des médiations que l'utopiste lui-même ne dédaigne
pas d'exploiter : il navigue, il colonise. Il n'oublie pas de
donner de ses nouvelles, par la première frégate ! Le pouvoir
de l'imagination n'est que l'imagination d'un pouvoir". (extrait
de "Utopie et liberté", 1973).