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Contre l'historiographie dominante, qui réduit le Décaméron à un projet poétique en langue vernaculaire, marqué par le principe de plaisir, ou à l'expression d'un parcours chrétien du vice à la vertu, cet essai propose une interprétation philosophique de l'oeuvre de Boccace. Ses nouvelles sont une " expérience de pensée " sur les conséquences extrêmes, voire l'échec, de l'introduction de l'utilité, de l'intérêt et de l'amour-propre dans l'éthique.
L'économie des passions, le calcul entre le dû et le don, la recherche d'un surcroît minent la morale de la " grande âme ", caractérisée par la générosité et la magnificence. Contre cette logique, Boccace oppose le désintéressement et la désappropriation de soi des personnages des derniers récits. Son interprétation se caractérise par l'interrogation sur la vertu, empruntée à Cicéron et à Sénèque, mais reprise par les milieux laïques des cours italiennes, qui a revendiqué la place des biens secondaires (comme la renommée, le pouvoir ou la richesse) dans la réalisation de la sagesse et de la félicité.
Cette approche philosophique, qui lie étroitement la réflexion morale à la forme poétique de la nouvelle, est inédite, et non seulement en France. Elle comble également un vide, puisque les deux autres grands poètes du XIVe siècle italien, Dante et Pétrarque, ont été récemment réintégrés dans l'histoire de la philosophie médiévale.