Il en est des premiers romans comme d’une première nuit d’amour : merveilleux ou catastrophique. Avec “L’anesthésiste” Richard Torrielli qui fut lui même médecin anesthésiste-réanimateur nous propose un roman d’une extraordinaire profondeur où il place le lecteur au coeur de la conscience du Docteur V. Ce dernier est le maitre du sommeil de ses patients lors des interventions chirurgicales auxquelles il participe. Torrielli décrit avec beaucoup de justesse l’atmosphère d’un bloc opératoire, les boucles de perfusion, les catheters en téflon, les potences métalliques
où l’on suspend les poches de sérum, les bassines en inox, les kimonos bleus des médecins, des infirmières et des aides soignantes. Et puis il a les gestes de l’anesthésiste comme la caresse d’un ange, d’un ange gardien.
Le lecteur traverse les couloirs de l’hôpital en compagnie du docteur V, passe dans les chambres, les salles d’attentes, et pénètre dans les blocs opératoires. C’est une atmosphère très particulière que l’écrivain parvient à installer par petites touches successives et qui finit par nous rendre la vie de cet hôpital familier. Une vie où cependant les contraintes s’accumulent :”Etre au service de toutes les exigences venues de toutes part : patients, collègues, directeurs. Faire en sorte, le plus discrètement possible, que tout se passe bien. Ne pas se faire remarquer, ne pas sortir de l’ombre. Dans le cas contraire, ce serait pour insuffisance retard, maladresse, inadaptation. Ne jamais montrer le moindre signe de fatigue. Ce serait ne pas être à la hauteur.”
Et voilà soudain qu’un matin ce médecin a le sentiment de justement commencer à s’effacer. Lui qui est là sans jamais être le plus important, lui que finalement personne ne remarque vraiment, lui le veilleur, le gardien du phare, sent que le silence qui l’entourait l’envahit peu à peu.
Richard Torrielli ne nous épargne rien des conversations oiseuses des médecins lors des pauses, des petites ambitions des uns et des autres , des nuits de garde qui se succèdent et des manies sexuelles de certains. Les portraits se succèdent au fil du récit révélant les failles d’un corps médicales souvent en proie au doute aux interrogations multiples
Ce roman n’est pas seulement d’un grand réalisme descriptif, il descend dans les profondeurs d’un être, d’une vie qui bientôt va s’affranchir de la multitude des contraintes qui la submergent. “L’anesthésiste” est une oeuvre forte dont le lecteur ne sort pas indemne. On attend le prochain roman de Torrielli avec impatience.
ARCHIBALD PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)
Tous concernés
Au delà du cadre d'un hôpital, ce roman nous donne à vivre l'angoisse de chacun de nous face à notre destin, face à la solitude, face aux obligations de nos métiers. Acteur anonyme d'une tragédie dans sa forme moderne, dont on se doute au début du destin, le Docteur V. est entraîné dans un silence et une incommunicabilité dont chacun de nous peint être la victime. Poignant, en effet... Et merveilleusement écrit