L'Ane et la Routo

Surviennent des obstacles d'un autre ordre : les admirateurs. Au milieu d'un trottoir, sous les platanes d'une placette, devant un éventaire de marché ou un conteneur de tri d'ordures, partout, nous sommes arrêtés. Tandis que mon compagnon, oreilles dressées, écoute avec discrétion et - j'en jurerais - une once de vanité, je dois décliner son nom, celui de notre itinéraire, notre destination ultime, etc.
Les mains se tendent, avides de grattouiller le front, la joue, le cou du héros... A soixante-huit ans, l'auteure se lance à pied vers les Alpes, depuis la Basse Provence, avec l'aide (de principe) d'un bourricot. Bivouaquant à leur gré, ils sont éclaireurs sur un sentier de Grande Randonnée qui sera inauguré l'année suivante : La Routo. Cet itinéraire suit sur 500 kilomètres l'une des anciennes drailles de transhumance, de la Crau jusqu'en Italie.
Le ciel dans les narines, la caillasse roulant sous les pieds, le dénivelé leur mordant les muscles, ils s'incorporent aux garrigues, aux forêts, aux alpages. De loin en loin les accueillent quelques humains engagés chacun à sa manière pour la préservation d'une ruralité saine et palpitante. Mais l'auteure finira-t-elle par rencontrer celui qui par excellence vit au diapason de la Terre et du Vivant, le Berger Transhumant ? Une certitude : au jour le jour, elle découvre les aléas d'une équipée avec un compagnon à longues oreilles, pour le meilleur et pour le pire.