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ROS
L’agent Kasper a bourlingué dans à peu près toutes les parties du monde où des conflits locaux ou des tensions ont un jour ou l’autre appelé l’argent sale à se déverser à flots torrentiels : argent sale de la mafia, argent sale de la CIA, argent sale des narcotrafiquants, argent sale des faux monnayeurs… mais argent sale quoi qu’il arrive.
« Suivez l’argent »… telle semble être la devise de Kasper qui va partir sur les traces des « supernotes », ces faux billets de dollars américains, tellement bien imités qu’ils sont plus vrais que nature d’où l’expression
« same-same but different ». Qui a mis en place ce système de « supernotes » qui permet d’alimenter toutes les dictatures à travers le globe, de payer les alliés américains ? Qui a laissé faire ?
Kasper est un mélange de James Bond pour le côté agent secret et McGyver pour son côté « je ne travaille qu’avec ma bite et mon couteau » (vous me passerez l’expression). Kasper n’a pas de gadgets pour lui sauver la peau : il a son cerveau, son talent inné de l’improvisation, ses techniques de combats, et paquet de fric dont on n’ira pas chercher l’origine… C’est ce qui lui permettra de survivre pendant les 373 jours que durera son enlèvement au Cambodge, avalisé et favorisé par les américains, puis son incarcération dans les plus sombres et durs camps de concentrations locaux.
Le livre joue admirablement sur deux points, le second étant aussi celui qui lui vaudrait les pires foudres.
Il est tout d’abord plutôt bien construit. On suit plusieurs histoires en parallèle : celle de la détention de Kasper au Cambodge, bien entendu, entrecoupée à la fois des récits de l’enquête et des actions menées par une avocate italienne pour essayer de le sortir de là, à la demande de la famille de Kasper, et des aventures passées de Kasper qui l’ont amené là où il croupit.
Il joue ensuite sur la corde (raide) du reportage… Ecrit à la troisième personne, il se veut un compte rendu journalistique de ce que fut la vie de Kasper en détention, une enquête tout aussi journalistique sur les « supernotes » et un roman d’espionnage dont le lecteur ne sait finalement pas s’il s’agit d’une histoire totalement vraie ou d’une supercherie, certes basée sur des faits réels mais plutôt bien construite.
C’est donc là que le bât blesse… Balloté pendant tout le livre entre cette envie de croire que tout cela est (malheureusement) vrai et le sentiment indécrottable qu’il est en train de se faire mener en bateau, le lecteur ne sait plus à quel saint se vouer et se sent irrémédiablement frustré.
Si la majorité des passages sont cohérents et relèvent du compte rendu direct (par Kasper) ou indirect (par l’avocate) et sont donc plausiblement récolté par Carletti, il y a des passages qui sentent clairement la fiction, l’imagination. Admettons que l’assassinat d’un trafiquant soit établi (Ian Travis pour ce qui nous concerne, personnage rencontré dans le livre et ayant réellement existé et ayant réellement été assassiné), comment Kasper ou Carletti, qui n’ont par définition pas assisté à la scène, peuvent-ils rendre compte de détails que seul un témoin oculaire, absent en l’occurrence, pourrait ou aurait pu révéler ? Admettons encore que ce n’est pas une fiction, comment les carnets de note de Kasper, sorte de testament rédigé en prison, peuvent-ils se trouver cités alors qu’ils ne sont destinés à être publiés qu’en cas de décès de Kasper ? Que le meilleur ami de Kasper s’appelle Clancy comme l’écrivain de romans d’espionnage est-il un hasard ou une tentative des auteurs se semer le doute dans l’esprit du lecteur ? Kasper reconnait d’ailleurs s’être pris au jeu de l’espionnage le jour où il a lu son premier roman de Ian Flemming... Et il y en a d’autres...
Carlo Bonin résume assez bien cela dans La Repubblica :
« Une vie à cent à l’heure. Flingues, stupéfiants, agents de la CIA, du FBI ou simplement d’anciens barbouzes passés par l’Agence pour se mettre ensuite à leur compte et devenir des free-lances dans l’intelligence. Des visages et des gestes sous adrénaline. […] Une intrigue où le lecteur n’a pas beaucoup le choix : croire ce qu’il lit ou pas. »
Réalité ? Fiction ? Il semblerait tout de même que Carletti et Kasper (oui, oui comme le fantôme avec un K !...) aient entremêlé les deux notions avec, reconnaissons-le, une certaine intelligence en basant leur récit sur bon nombre de faits avérés et en brodant sur le reste… Le thème de l’espionnage, des pièges sans cesse tendus par les uns et les autres aux uns et aux autres permet aux auteurs de tanguer sur une corde raide, frontière entre réalité et fiction.
Le style est efficace sans être d’une qualité littéraire éblouissante, il n’y a pas non plus matière à. Un bon divertissement qui n’apporte pas d’éclairage nouveau ou révolutionnaire sur le sujet traité mais qui a l’avantage du dépaysement.
On pourra toujours retenir au final que le livre entretien un peu plus la flamme des théories complotistes dans lesquelles les Etats-Unis sont prêts à tout, même à l’indicible, pour justifier et financer leurs actions. Notre monde est une société de mensonges, de manipulations, de faux-semblants. Il y a quelque chose de pourri au royaume de la démocratie et c’est malheureusement le système lui-même qui est vérolé. Il n’est pas non plus nécessaire d’aller jusqu’au Cambodge pour s’en rendre compte.
Pour quelques informations light sur les « supernotes » :
• http://www.historycommons.org/entity.jsp?entity=frankfurter_allgemeine_zeitung_1
• http://www.vanityfair.com/politics/features/2009/09/office-39-200909
• http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/panorama/3819345.stm
Il n'y a pas que les dollars qui ne sont que des copies
L’agent Kasper a bourlingué dans à peu près toutes les parties du monde où des conflits locaux ou des tensions ont un jour ou l’autre appelé l’argent sale à se déverser à flots torrentiels : argent sale de la mafia, argent sale de la CIA, argent sale des narcotrafiquants, argent sale des faux monnayeurs… mais argent sale quoi qu’il arrive.
« Suivez l’argent »… telle semble être la devise de Kasper qui va partir sur les traces des « supernotes », ces faux billets de dollars américains, tellement bien imités qu’ils sont plus vrais que nature d’où l’expression « same-same but different ». Qui a mis en place ce système de « supernotes » qui permet d’alimenter toutes les dictatures à travers le globe, de payer les alliés américains ? Qui a laissé faire ?
Kasper est un mélange de James Bond pour le côté agent secret et McGyver pour son côté « je ne travaille qu’avec ma bite et mon couteau » (vous me passerez l’expression). Kasper n’a pas de gadgets pour lui sauver la peau : il a son cerveau, son talent inné de l’improvisation, ses techniques de combats, et paquet de fric dont on n’ira pas chercher l’origine… C’est ce qui lui permettra de survivre pendant les 373 jours que durera son enlèvement au Cambodge, avalisé et favorisé par les américains, puis son incarcération dans les plus sombres et durs camps de concentrations locaux.
Le livre joue admirablement sur deux points, le second étant aussi celui qui lui vaudrait les pires foudres.
Il est tout d’abord plutôt bien construit. On suit plusieurs histoires en parallèle : celle de la détention de Kasper au Cambodge, bien entendu, entrecoupée à la fois des récits de l’enquête et des actions menées par une avocate italienne pour essayer de le sortir de là, à la demande de la famille de Kasper, et des aventures passées de Kasper qui l’ont amené là où il croupit.
Il joue ensuite sur la corde (raide) du reportage… Ecrit à la troisième personne, il se veut un compte rendu journalistique de ce que fut la vie de Kasper en détention, une enquête tout aussi journalistique sur les « supernotes » et un roman d’espionnage dont le lecteur ne sait finalement pas s’il s’agit d’une histoire totalement vraie ou d’une supercherie, certes basée sur des faits réels mais plutôt bien construite.
C’est donc là que le bât blesse… Balloté pendant tout le livre entre cette envie de croire que tout cela est (malheureusement) vrai et le sentiment indécrottable qu’il est en train de se faire mener en bateau, le lecteur ne sait plus à quel saint se vouer et se sent irrémédiablement frustré.
Si la majorité des passages sont cohérents et relèvent du compte rendu direct (par Kasper) ou indirect (par l’avocate) et sont donc plausiblement récolté par Carletti, il y a des passages qui sentent clairement la fiction, l’imagination. Admettons que l’assassinat d’un trafiquant soit établi (Ian Travis pour ce qui nous concerne, personnage rencontré dans le livre et ayant réellement existé et ayant réellement été assassiné), comment Kasper ou Carletti, qui n’ont par définition pas assisté à la scène, peuvent-ils rendre compte de détails que seul un témoin oculaire, absent en l’occurrence, pourrait ou aurait pu révéler ? Admettons encore que ce n’est pas une fiction, comment les carnets de note de Kasper, sorte de testament rédigé en prison, peuvent-ils se trouver cités alors qu’ils ne sont destinés à être publiés qu’en cas de décès de Kasper ? Que le meilleur ami de Kasper s’appelle Clancy comme l’écrivain de romans d’espionnage est-il un hasard ou une tentative des auteurs se semer le doute dans l’esprit du lecteur ? Kasper reconnait d’ailleurs s’être pris au jeu de l’espionnage le jour où il a lu son premier roman de Ian Flemming... Et il y en a d’autres...
Carlo Bonin résume assez bien cela dans La Repubblica :
« Une vie à cent à l’heure. Flingues, stupéfiants, agents de la CIA, du FBI ou simplement d’anciens barbouzes passés par l’Agence pour se mettre ensuite à leur compte et devenir des free-lances dans l’intelligence. Des visages et des gestes sous adrénaline. […] Une intrigue où le lecteur n’a pas beaucoup le choix : croire ce qu’il lit ou pas. »
Réalité ? Fiction ? Il semblerait tout de même que Carletti et Kasper (oui, oui comme le fantôme avec un K !...) aient entremêlé les deux notions avec, reconnaissons-le, une certaine intelligence en basant leur récit sur bon nombre de faits avérés et en brodant sur le reste… Le thème de l’espionnage, des pièges sans cesse tendus par les uns et les autres aux uns et aux autres permet aux auteurs de tanguer sur une corde raide, frontière entre réalité et fiction.
Le style est efficace sans être d’une qualité littéraire éblouissante, il n’y a pas non plus matière à. Un bon divertissement qui n’apporte pas d’éclairage nouveau ou révolutionnaire sur le sujet traité mais qui a l’avantage du dépaysement.
On pourra toujours retenir au final que le livre entretien un peu plus la flamme des théories complotistes dans lesquelles les Etats-Unis sont prêts à tout, même à l’indicible, pour justifier et financer leurs actions. Notre monde est une société de mensonges, de manipulations, de faux-semblants. Il y a quelque chose de pourri au royaume de la démocratie et c’est malheureusement le système lui-même qui est vérolé. Il n’est pas non plus nécessaire d’aller jusqu’au Cambodge pour s’en rendre compte.
Pour quelques informations light sur les « supernotes » :
• http://www.historycommons.org/entity.jsp?entity=frankfurter_allgemeine_zeitung_1
• http://www.vanityfair.com/politics/features/2009/09/office-39-200909
• http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/panorama/3819345.stm