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Guillaume est sociologue, Nathalie architecte. Ils se rencontrent à la veille du séisme qui a ravagé Haïti en janvier 2010, autour du projet d'un centre polyvalent dans les environs de Port-au-Prince. Entre l'homme de cinquante ans revenu de ses utopies, dont toute la vie s'est jouée dans son île, et la jeune femme au sombre passé qui vient de vivre de longues années en France, l'attirance est immédiate.
Si Yanick Lahens excelle dans l'écriture impatiente de leur désir et si l'on est vite happé par la sourde sensualité qui en émane, elle n'est dupe ni de ses personnages, ni de leur situation. Représentants tous deux de la classe moyenne noire, ils tentent d'endiguer la misère qui les encercle, subissant eux aussi les préjugés racistes de la bonne société haïtienne et la corruption des élites. Nul misérabilisme pourtant dans ce récit, nul catastrophisme non plus, sinon la conscience diffuse de la menace qui plane sur Haïti en ce mois de décembre 2009.
Avec ce roman pétri de tendresse pour son pays, Yanick Lahens acte la victoire de la vie et de l'écriture sur le malheur.
"A cette convoitise muette. Chaude."
On commence par la fin avec ce livre et ce n'est pas Paul et Virginie, oh non ! Ce qui se joue sur cette île, c'est autre chose, c'est Guillaume et Nathalie et alors que leur corps se rejoignent au début, en dessous le crépuscule masque les soubresauts, le tumulte, la miraculeuse et ardente traversée des siècles d'une ville toute aussi singulière qu'eux, Port-au-Prince. Elle les habite ces deux corps et par eux et avant qu'ils ne se rejoignent qu'ils n'aient achevé leur danse sensuelle, on va s'en imprégner par eux parce qu'ils portent tout deux, en eux, ses frontières invisibles, ses impasses, son histoire. Comme sans doute une sensualité originelle et dangereuse... En veulent-ils d'ailleurs vraiment à cette île qui les retient et les agitent d'une même houle. Silence et pensée, dans la marche du désir, tout se fait jour des deux côtés avant que leurs corps sombrent. Dévoilés, découverts, dévêtus ainsi va leur histoire et celle de l'île parce que c'est à l'origine de leur désir et de leur présence ici qu'on est convié. La rencontre précipitera, ils ne peuvent au début que soulagement et remords, ils faut aussi que la chair exulte un jour. Un roman d'une sensualité rare et encore une fois le roman d'un île singulière, peuplée d'ombres, toujours un miracle suivant l'injustice, toujours le désir chassant d'autres misères. Troublant. (Et merci à Florian par sa critique de me l'avoir fait découvrir)