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Le savant, en blouse blanche, vous ordonne de tourner encore la molette, d'appuyer à nouveau sur le bouton. Face à vous, à travers la vitre, vous pouvez voir l'homme assis se tordre de douleur et crier à chaque nouvelle décharge électrique. De plus en plus fort. On vous a dit que c'était une expérience scientifique. Que le cobaye était consentant. Ça a l'air sérieux. Vous êtes payé. "Augmentez le voltage, vous devez continuer", répète encore la voix derrière vous.
Allez-vous continuer ? Quand vous arrêterez-vous ? Irez-vous jusqu'à la décharge mortelle ? Mais le cobaye n'est pas celui qu'on croit. L'homme là-bas était un acteur. Il n'y avait pas de courant dans les électrodes. Ce n'était qu'un simulacre. C'était vous et non lui qui faisiez l'objet de l'expérience. Ce dispositif était celui que Stanley Milgram, professeur de psychologie à Yale, aux États-Unis, avait imaginé, en juillet 1961, trois mois après le retentissant procès du criminel nazi Adolf Eichmann, pour conduire une série d'expériences sur les "conditions de l'obéissance et de la désobéissance à l'autorité".
Pourquoi obéit-on ? Pourquoi se soumet-on à l'autorité ? Et surtout : comment et pourquoi décide-t-on de désobéir ? Milgram entendait percer les secrets des mécanismes du pouvoir et de l'atrocité grâce aux instruments et aux méthodes de la psychologie expérimentale. La célébrissime "expérience de Milgram" a fait couler beaucoup d'encre, inspirant critiques, militants, cinéastes ou romanciers. En complément à ce bref texte fondateur, l'un des premiers comptes rendus de l'expérience publié en 1965 par son concepteur, cette édition propose de revenir de façon critique, plus de quarante ans plus tard, sur la longue histoire des interprétations et des débats auxquels cette expérience a donné lieu ainsi que sur les présupposés philosophiques qui la sous-tendaient.