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Près de quarante ans après avoir découvert le Shaykh de l'Islam Ibn Taymiyya (m. 728/1328), je continue à penser que nous avons, en sa personne, un véritable théologien, au sens le plus noble donné à ce terme en Occident : quelqu'un capable de parler de Dieu d'une manière qui interpelle les intellects et les coeurs de nos contemporains. La chose s'explique sans doute, entre autres raisons, par le fait qu'il ne vécut pas dans une tour d'ivoire mais fut amené, en sa qualité de mufti, à constamment réfléchir et agir en phase avec la société de son temps.
Tout controversé qu'il soit pour d'aucuns, et quelques réserves qu'on ait vis-à-vis de certaines de ses vues ou actions, l'étudier est toujours un plaisir. La qualité de la langue, la multiplicité des intérêts, l'ampleur du bagage, la vivacité de l'esprit, la complexité du regard, l'ouverture au monde, la sincérité de l'engagement, l'authenticité de la religion, la richesse de la foi, la profondeur de l'humanisme...
Quand de telles qualités sont réunies en un même personnage, comment ne pas parler de "phénomène" ? Ce fut en tout cas l'avis du shaykh ‘Abd All ? h al-Mutayyam (m. 731/1331) quand, après le décès d'Ibn Taymiyya, il demanda en vers à son propos : N'est-ce pas lui dont le renom se propagea dans l'univers, Et qui, de ses importants fetwas, embrassa les créatures ? Qui fut la couronne des gnostiques pour notre temps ? Et le shaykh de la Guidance ? Dis-moi ! Sans véhémence ! Ecrites entre 1988 et 2016, les vingt études réunies dans le présent volume concernent non seulement le penseur politique trahi par l'islamisme mais le témoin de la fin des Croisades, de l'âge d'or des Maml ? ks et des invasions mongoles de la Syrie dans les années 700/1300, l'explorateur de la pensée musulmane en ses dimensions théologiques, philosophiques, mystiques et hérétiques, l'analyste des superstitions, des mythes et des religions antérieures à l'Islam, le maître spirituel de la via media...
Elles ne devraient pas manquer d'aider à mieux saisir la complexité du "phénomène" Ibn Taymiyya.
