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L'ambition de ce livre est à la fois de mettre en lumière un objet esthétique inédit dont l'histoire n'a jamais été faite — un corps dont la chair se corrompt ou s'est déjà totalement corrompue —. et d'isoler une nouvelle catégorie esthétique, irréductible à celles de l'immonde et de la laideur. Dans ce but, il propose un parcours historique aussi complet que possible, de l'art macabre médiéval jusqu'au bioart contemporain, en passant par l'esthétique anatomique de la Renaissance.
les Vanités de l'âge classique et la littérature de la Belle Epoque. Il s'interroge également sur les raisons pour lesquelles la mort humide n'a presque jamais réussi à trouver un mode de représentation adéquat, ri défend la thèse qu'une telle résistance tient aussi bien a une certaine conception de ce qu'il advient du corps après sa destruction qu'à l'appréciation de la portée cognitive de l'art.
Comme Aristote et les théoriciens contemporains d'esthétique environnementale ont su le comprendre, la formation d'une esthétique de la charogne requiert que la nature soit donnée à voir comme une scène de fermentation et de maturation permanente, où les forces auxquelles succombent les organismes individuels sont celles-là même qui déterminent essentiellement le surgissement de la vie sous toutes ses formes.
"voir vraiment, c'est s'étonner de voir".... (p274)
"Il y a une beauté en philosophie, une beauté en science, qui n'ont rien à voir avec la qualité littéraire, la beauté du style, mais avec la force avec laquelle les choses dont il est question sont révélées dans leur vérité.Un grand livre de philosophie peut bien être magnifique en ce sens où la lumière qu'il jette sur le monde nous le donne à voir en toute clarté comme nous ne l'avions jamais vu". (P275) Le livre de Hicham-Stéphane Afeissa est une très belle oeuvre -et l'on ne boudera pas d'avoir entre les mains un si bel objet- je n'ai plus jamais regardé une charogne de la même manière qu'avant sa lecture... Outre un lumineux et rigoureux commentaire d'un extrait de "la Poétique" d'Aristote (modèle du genre), on trouvera de très sagaces analyses d'oeuvres d'art du registre du macabre et de documentation scientifique sur l'anatomie, et de leur évolution historique, dans ce superbe livre, particulièrement densément documenté (les notes en bas de pages commentant les sources, aussi foisonnantes que précises, sont toujours passionnantes), qui est aussi une ode à la beauté de la nature. Ses amateurs en seront conquis et les autres, peut-être plus sensibles à l'histoire de l'art et/ou des sciences, convaincus tant le propos est fin, d'une hauteur de vue et d'une perspicacité inouies. Une véritable éducation du regard nous est offerte ici, qui s'inscrit dans la perspective d'une "esthétique cognitive de l'environnement".cf p 43 : "La conviction que cet essai entend faire partager est que les connaissance(...)approfondissent l'appréciation esthétique de la nature en liant le phénomène à la nature considérée dans son unité.Une esthétique cognitive de l'environnement(...)cherche à défendre l'idée que les sciences(...) peuvent contribuer à LIBERER le regard(....)-nous rendent capables de (..)nous émerveiller de sa puissance créative y compris dans les paysages les plus ordinaires et réputés "inesthétiques". " Baudelaire ne s'y était pas trompé non plus dans son célèbre "Une Charogne", qui est examiné aussi par notre auteur p 539. Et l'on conclura sur cette si belle et énigmatique phrase de Flaubert (cfp544/Correspondance) : "Le Fait se distille dans la Forme et monte en haut, comme un pur encens de l'Esprit vers l'Eternel, l'immuable, l'absolu, l'idéal".... Oui, cet essai a quelque chose d'idéal.