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Quoique très différents (l'un tout entier tourné vers un "moi" à la croisée des chemins, l'autre vers les autres, ces paysans du Mississippi qu'il rendra célèbres), les deux inédits que contient ce volume ont plusieurs caractères communs : ce sont deux débuts de romans, ils sont tous deux restés inachevés, et ils datent de la même période (les années 1925 -1927) qui vit Faulkner, la trentaine approchant, entrer dans une phase d'activité littéraire intense et décisive pour son avenir de romancier.
Trente ans plus tard, il déclara qu'il avait abandonné Elmer parce que "c'était drôle, mais pas assez". Il faut croire qu'il confondait avec ce "Portrait d'Elmer" qu'il tira en 1935 de son roman avorté ("Portrait" qu'on peut lire dans Idylle au désert et autres nouvelles). Car Elmer est diablement sérieux, puisque la question posée n'est rien de moins que celle-ci : comment devient-on artiste ? Le protagoniste veut être peintre, et même peintre parisien : Elmer, au fond, c'est, en termes à peine voilés, le Bildungsroman de Faulkner lui-même pendant son bref séjour à Paris, à l'automne de 1925.
Avec Le Père Abraham, en revanche, nous sommes bel et bien dans le Mississippi, le plus vrai, le plus paysan et le plus reculé, celui de la future trilogie des Snopes, dont voici le texte fondateur. Et quel texte ! On a eu raison de dire que, de toute sa jeunesse, Faulkner n'a rien écrit de mieux. Il n'en fallait pas moins de métier pour achever l'épopée rustique (et burlesque) des Snopes : Le hameau, ce chef-d'oeuvre d'humour américain, devra attendre 1940, et La ville et Le domaine respectivement 1957 et 1959.