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LA POULARDE : Quoi ! C'est donc pour que nous ayons une voix plus claire qu'on nous a privés de la plus belle partie de nous-mêmes ? LE CHAPON : Hélas ! Ma pauvre poularde, c'est pour nous engraisser, et pour nous rendre la chair plus délicate. LA POULARDE : Eh bien ! Quand nous serons plus gras, le seront-ils davantage ? LE CHAPON : Oui, car ils prétendent nous manger. LA POULARDE : Nous manger ! Ah, les monstres ! LE CHAPON : C'est leur coutume ; ils nous mettent en prison pendant quelques jours, nous font avaler une pâtée dont ils ont le secret, nous crèvent les yeux pour que nous n'ayons point de distraction ; enfin, le jour de la fête étant venu, ils nous arrachent les plumes, nous coupent la gorge, et nous font rôtir.
On nous apporte devant eux dans une large pièce d'argent ; chacun dit de nous ce qu'il pense ; on fait notre oraison funèbre : l'un dit que nous sentons la noisette ; l'autre vante notre chair succulente ; on loue nos cuisses, nos bras, notre croupion ; et voilà notre histoire dans ce bas monde finie pour jamais.