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Corps pour corps, initialement publié en 1981, constitue une date pour l’ethnographie : il a marqué
une rupture dans les travaux de l’anthropologie classique comme de la pensée post structurale en
France qui prétendaient à la neutralité de l’enquêteur ou à un idéal de retrait total. Lorsque, en effet,
Jeanne Favret-Saada s’installe en 1969 dans le Bocage pour y étudier la sorcellerie, personne ne veut lui en parler, et tenir un journal paraît alors le seul moyen de circonscrire un « objet» qui se dérobe : relater les conversations, incidents, coutumes qui pourraient avoir un lien quelconque avec la sorcellerie, noter systématiquement comment les gens refusent d’en parler.
Il en résulte, au bout de deux ans, 2 600 pages de notes dont deux cents seront utilisées dans Les Mots, la mort, les sorts.
Plus tard, Josée Contreras conseille à Jeanne Favret-Saada de publier l’essentiel de ce matériau au titre de témoignage sur le monde des sorts mais aussi sur les particularités de cette ethnographie dans laquelle l’observateur ne peut se soustraire au processus qu’il observe : il est « pris ».
S’offre ainsi au lecteur le mouvement de la recherche, avec ses tâtonnements, ses hasards, ses impasses, qui restitue en même temps au plus près la parole des habitants du Bocage. Cette réédition de Corps pour corps s’inscrit dans le mouvement d’attention actuel pour les travaux de Jeanne Favret-Saada, entre la parution en 2009 d’un recueil d’articles, Désorceler (L’Olivier), la tenue d’un récent colloque et l’intérêt des cinéastes, près de se concrétiser, pour le sujet.