Reconnais, ô chrétien, ta dignité, et, après avoir été fait participant de la nature divine, ne va pas retourner, par un comportement indigne de ta race, à ta première bassesse. Souviens-toi de quelle tête et de quel corps tu es membre. Rappelle-toi qu'arraché à l'empire des ténèbres tu as été transféré dans le royaume de Dieu et dans sa lumière. Par le sacrement du baptême, tu es devenu le temple de l'Esprit Saint [...].
Celui qui, dans sa condition de Dieu, a fait l'homme, dans sa condition de serviteur, a été fait homme ; mais l'un avec l'autre est Dieu par la puissance de la nature qui assume, l'un avec l'autre est l'homme par l'humanité de la nature assumée. Chaque nature, en effet, garde ce qui lui est propre sans diminution : comme la condition de Dieu ne supprime pas la condition de serviteur, ainsi la condition de serviteur n'amoindrit pas la condition de Dieu. C'est pourquoi le mystère de l'union de la force avec la faiblesse permet bien, eu égard à cette nature humaine, de dire le Fils inférieur au Père, mais la divinité qui est une dans la Trinité du Père, du Fils et de l'Esprit Saint, exclut toute idée d'inégalité. Là, en effet, l'éternité n'a rien qui relève du temps, la nature rien qui crée des dissemblances ; là règne une unique volonté, une même substance, une égale puissance, et il n'y a pus trois dieux, mais un seul Dieu ; car l'unité est vraie et indissoluble là où ne peut exister aucune diversité. Un vrai Dieu est donc né dans la nature complète et parfaite d'un vrai homme, tout entier dans ce qui lui appartient, tout entier dans ce qui est à nous. Nous disons " à nous " ce que le Créateur a mis en nous dès l'origine et qu'il a pris pour le réparer [...]. Il a assumé la condition du serviteur sans la souillure du péché ; en élevant l'humanité, il n'a pas amoindri la divinité : car cet anéantissement par lequel lui l'invisible s'est rendu visible, fut abaissement de sa miséricorde, non démission de sa puissance.
S. LÉON LE GRAND, Sermons I et III pour Noël, SC 22 bis, pp. 73-75 ; 99-101.