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On n'a pas fini de déchiffrer des sens cachés dans les Essais de Montaigne. L'allégorie suppose qu'un autre sens se terre sous la lettre. Le texte ne veut pas dire ce qu'il dit : il veut dire ce qu'il ne dit pas. Dès qu'on entre dans le champ du non-dit, de l'esprit, de la figure, s'ouvrent toutes grandes les écluses de l'interprétation. Et une allégorie peut toujours en cacher une autre. En 1992, on a célébré le quatrième centenaire de la mort de Montaigne en acclamant sa vision de l'Autre : à eux seuls, les Essais nous rachètent de cinq siècles de colonialisme.
L'anachronisme triomphe lors des commémorations : en 1892, la Troisième République, ne sachant encore bien que faire de l'auteur des Essais, l'opposait à La Boétie et l'accouplait à Renan. La tradition de l'allégorie semble pourtant se dissoudre dans les Essais. Mais peut-elle disparaître pour de bon ? C'est dans la seule page où Montagne fait allusion à l'allégorie biblique que Pascal trouve l'ébauche de la gradation, cette dialectique des contraires qui légitime l'ordre politique et social.
La pensée politique de Pascal est aussi scandaleuse que celle de La Boétie. C'est la place de Montaigne, entre La Boétie et Pascal, qu'on ne cesse d'interpréter. La tentation de l'allégorie n'est-elle pas aussi grande que l'amour de la littérature ?