Il y a toujours un point de départ dans un roman. Peu importe d’ailleurs sa nature exacte, il permet simplement de partir, de démarrer ; ensuite c’est la lente progression des mots vers le point final, toujours repoussé, toujours au delà. Le dernier roman d’Alain Cadéo “Chaque seconde est un murmure” nous propose d’accompagner la quête d’une jeune homme qui cherche sur les routes le sens d’une vie qu’un événement a disloqué. Voilà deux ans que notre garçon marche, prend des trains, des bus, fait du stop, “s’agrippe à la route comme un scarabée vert ayant
replié ses élytres.” Il fait le dos rond partout où il passe, croise des humains, parle à peine avec eux, arrive parfois à rester un ou deux jours en leur compagnie mais ne s’éternise pas. Il avance sans se retourner. On le suit au rythme du récit. Cadéo sait construire de grands ponts de mots reposant sur de solides piliers de phrases limpides et claires comme les rivières que traversent son personnage. On le suit en s’interrogeant sur cette quête qui ne trouve pas son point final.
Et puis soudain c’est l’arrivée à Luzimbapar, chez Sarah et Laston, un lieu improbable, un couple entouré de dizaines de chiens. “Pour trouver un tel endroit il faut vraiment s’être perdu, être tombé en panne, avoir franchi les portes du coma avec la sensation d’un univers parallèle.” Il faut parfois se perdre pour se retrouver et pouvoir commencer à se reconstruire. Celui qui se contentait de parler dans sa tête et qui s’amuse même à évaluer le nombre de lettres de certains mots, va se mettre à écrire dans un cahier noir que Sarah et Laston lui ont demandé de remplir en entier. Arrivé au point final, il pourra repartir. On comprend alors que le roman est tout entier consigné dans ce cahier et que cette mise en abyme se déroule sous nos yeux comme la spirale d’une vie qui aurait retrouvé son chemin.
Luzimbapar sera le lieu où le chagrin de la tragédie se libérera et deviendra la source d’une existence nouvelle. Tous les écrivains le savent il faut arriver au point final pour commencer une nouvelle histoire…
“Chaque seconde est un murmure” est un roman minimaliste qui frappe par la beauté simple de ses phrases, une méditation sur le sens que l’on donne à nos vies après une catastrophe, un message d’espoir dans une époque troublée où parfois le malheur vient frapper violemment à notre porte. Une fois de plus Alain Cadéo se montre orfèvre dans sa manière de ciseler ses phrases pour éclairer une conscience blessée et silencieuse. Il est l’un des rares écrivains à savoir écouter le silence et en traduire le sens dans le mouvement profond de son texte. Un roman à découvrir absolument.
ARCHIBALD PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE CHRONIQUE
Il y a toujours un point de départ dans un roman. Peu importe d’ailleurs sa nature exacte, il permet simplement de partir, de démarrer ; ensuite c’est la lente progression des mots vers le point final, toujours repoussé, toujours au delà. Le dernier roman d’Alain Cadéo “Chaque seconde est un murmure” nous propose d’accompagner la quête d’une jeune homme qui cherche sur les routes le sens d’une vie qu’un événement a disloqué. Voilà deux ans que notre garçon marche, prend des trains, des bus, fait du stop, “s’agrippe à la route comme un scarabée vert ayant replié ses élytres.” Il fait le dos rond partout où il passe, croise des humains, parle à peine avec eux, arrive parfois à rester un ou deux jours en leur compagnie mais ne s’éternise pas. Il avance sans se retourner. On le suit au rythme du récit. Cadéo sait construire de grands ponts de mots reposant sur de solides piliers de phrases limpides et claires comme les rivières que traversent son personnage. On le suit en s’interrogeant sur cette quête qui ne trouve pas son point final.
Et puis soudain c’est l’arrivée à Luzimbapar, chez Sarah et Laston, un lieu improbable, un couple entouré de dizaines de chiens. “Pour trouver un tel endroit il faut vraiment s’être perdu, être tombé en panne, avoir franchi les portes du coma avec la sensation d’un univers parallèle.” Il faut parfois se perdre pour se retrouver et pouvoir commencer à se reconstruire. Celui qui se contentait de parler dans sa tête et qui s’amuse même à évaluer le nombre de lettres de certains mots, va se mettre à écrire dans un cahier noir que Sarah et Laston lui ont demandé de remplir en entier. Arrivé au point final, il pourra repartir. On comprend alors que le roman est tout entier consigné dans ce cahier et que cette mise en abyme se déroule sous nos yeux comme la spirale d’une vie qui aurait retrouvé son chemin.
Luzimbapar sera le lieu où le chagrin de la tragédie se libérera et deviendra la source d’une existence nouvelle. Tous les écrivains le savent il faut arriver au point final pour commencer une nouvelle histoire…
“Chaque seconde est un murmure” est un roman minimaliste qui frappe par la beauté simple de ses phrases, une méditation sur le sens que l’on donne à nos vies après une catastrophe, un message d’espoir dans une époque troublée où parfois le malheur vient frapper violemment à notre porte. Une fois de plus Alain Cadéo se montre orfèvre dans sa manière de ciseler ses phrases pour éclairer une conscience blessée et silencieuse. Il est l’un des rares écrivains à savoir écouter le silence et en traduire le sens dans le mouvement profond de son texte. Un roman à découvrir absolument.
ARCHIBALD PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE.COM)