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"Thomas se meurt. A vingt-cinq ans. Leo, qui en a seulement quatre de plus, est à présent veuf d'un compagnon qui n'en a jamais vraiment été un, d'ailleurs il n'existe pas même de terme, dans aucun dictionnaire, pour définir une personne qui n'a été ni mari, ni femme, ni amant, et pas uniquement compagnon". Mais si Leo ne peut en faire le deuil, ce n'est pas seulement qu'il n'existe aucun mot ni rite.
C'est que son monde est à l'image de ce ciel d'Emilie-Romagne sur le delta du Pô, où il échoue un matin, à l'issue d'une course harassante. Habité par le souvenir du jeune homme qu'il a aimé, Leo se condamne pendant quatre années à l'errance, dans l'espoir de trouver la ligne de partage entre les vivants et les morts. Il parcourt une Europe où le passé et le présent se superposent, les routes se croisent, les années se confondent et les visages émergent, parmi d'autres plus anciens.
A travers ces glissements progressifs, Leo cherche vainement à cerner ses propres traits, que la trentième année a brouillés. Croyant pouvoir se protéger, il avait imposé à Thomas de faire chambre à part, ville à part, vie à part. Il lui faudra traverser l'océan pour retrouver, après une descente aux enfers, la force de vivre sur la seule ligne de crête qu'il connaît, le fil d'écriture.