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Si tout tourne chez Cendrars, c'est autour de l'écriture. Elle est son obsession, sa manie, sa monomanie. Mais il la subit comme une vraie possession. A la différence d'Apollinaire pour qui "écrire était une fête", pour Cendrars, possédé du "Démon de l'écriture", écrire c'est maudire. L'écriture n'est pas sa passion, mais sa Passion, Passion douloureusement satanique, corrélative qu'elle est de la crucifixion désespérée d'un "foudroiement".
"L'Homme qui écrit" ne peut être qu'un homme foudroyé, symboliquement mutilé dès avant la mutilation "réelle" qui l'engagera encore plus avant sur le chemin du calvaire sans fin de l'écriture, à laquelle il se découvre condamné par son impuissance à "aller jusqu'au bout". Aussi l'écriture, parce qu'elle ne saurait être une fête, ne cessera-t-elle d'être une question pour Cendrars, question angoissante et fascinante, qu'il poursuivra ou qui le poursuivra tout au long de son oeuvre romanesque, où elle se fait de plus en plus pressante, de plus en plus envahissante, en même temps que l'homme qui écrit s'avance peu à peu sur le devant du plateau qu'il finit par occuper tout entier à lui seul.
Frappante est en effet chez Cendrars cette constante mise en scène de soi écrivant, de l'acte, du geste d'écrire, de ses outils et de son décor, qui devrait au moins rappeler au lecteur que ce qu'il est en train de lire est écrit par un homme qui écrit. Mais il semble que toujours on veuille écarter cet homme-là, que personne n'ait jamais souhaité lire le texte de Cendrars ou Cendrars comme un texte : comme une écriture qui ne serait pas la transcription d'une "vérité" antérieure et extérieure, mais l'élaboration d'un sens toujours différé dans le procès infini de la métaphore.
Et pourtant, dans ses romans mêmes et dans les commentaires qu'il en donna au hasard des enquêtes et des interviews, Cendrars s'efforce constamment de ramener son lecteur sur la piste de l'écriture. Il ne pense son oeuvre, et celle des autres, qu'en termes de langage, non de message.