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Babybatch ! Ainsi Dominique a-t-elle surnommé Benedict Cumberbatch. Quant à Dominique, et bien qu'elle appartienne à l'immense communauté virtuelle des fans de l'acteur anglais, elle répugne à s'autoproclamer cumberbitch, à l'inverse de ses congénères. Il faut dire que Dominique n'a que quinze ans et rien d'une"salope". A l'image des autres héroïnes d'Isabelle Coudrier, Dominique est une jeune fille inclassable, quasi désuète dans sa discrétion mêlée de lucidité, dans son expression incertaine et méticuleuse quand il s'agit d'évoquer les sentiments.
Mais elle est aussi un pur produit de l'époque, non pas tant dans sa traque obsessionnelle de son idole sur le net, que dans son ironie de petite amoureuse revenue de tout. Ici, l'amour ne peut être vécu qu'après avoir été rêvé, pensé. A moins que dans sa version ultime, il ne devienne unilatéral, peu soucieux de se matérialiser, comparable à"une pièce où l'on ne serait jamais entré mais où résiderait tout l'espoir de l'existence".
C'est du moins la comparaison qui vient le plus souvent à l'esprit de Dominique quand elle observe les êtres auxquels elle s'attache : le professeur d'anglais à la voix si basse que ses cours sont inaudibles ; Paul Rissac, cet élève brillant atteint d'emphysème et qui traite le malheur avec une désinvolture intrigante ; son père, petit conseiller en placement financier qui semble douter d'être un jour l'artisan du plus petit bonheur sur la terre.
Les observant, les comparant à son cher Benedict Cumberbatch, Dominique tisse un monde dont le lecteur voudrait ne jamais sortir avec l'espoir de délester la jeune fille de sa peine, ou de partager sa fin, aussi belle que tragique.
RECOMMANDÉ PAR LE SITE CULTURE-CHRONIQUE
Isabelle Coudrier nous propose un roman plein de fraicheur autour du thème de l’adolescence, sujet risqué parce qu’il conjugue les tendances contradictoires d’une période de la vie où l’être se construit entre aspirations parfois délirantes et une réalité plus prosaïque. C’est la période romantique de l’existence où tout semble possible. Dominique, l’héroïne d’Isabelle Coudrier n’a que quinze ans et c’est sans doute là que se situe la réussite du roman car très rapidement le lecteur est embarquée dans le monde de la jeune fille, un monde qui doit beaucoup au caractère plutôt mesuré de cette rouquine dégingandé folle de Benedict Cumberbatch, la star de la série Sherlocke Holmes, qu’elle surnomme “Babybatch”.
Isabelle Coudrier aurait pu se contenter de décrire la vie d’une petite fan ordinaire mais le monde de Dominique vaut beaucoup plus que cela. Certes l’adolescente passe une partie de sa vie à traquer son idole sur internet, en cela elle ressemble à beaucoup aux filles de sa génération mais la romancière nous plonge aussi au coeur des constructions mentales de Dominique dans son rapport au monde. L’écriture d’Isabelle Coudrier se prête avec beaucoup d’élégance à décrire les différents mondes parallèles dans lesquels la jeune fille circule, ceux qui ne sont que virtuels et d’autres beaucoup plus concrets, en particulier quelques êtres qui ont de l’importance dans sa vie, son professeur d’anglais au charme timide et Paul Rissac un camarade qui combat la maladie avec une étrange désinvolture.
Tout l’art de l’écrivain consiste à nous installer dans cette vie et de nous la rendre si prôche qu’on ne pourra la quitter qu’avec regret. Isabelle Coudrier s’affirme, roman après roman, comme une portraitiste de talent capable de pénétrer la psychologie complexe de personnages qu’elle sait nous rendre attachants. Ce “Babybatch” nous parle aussi du monde dans lequel nous vivons, un monde qui est aussi celui que nous offrons à nos enfants et dans lequel ils doivent donner un sens à leur vie. Ce roman constituait un pari risqué mais disons le tout net, c’est un pari réussi !
Archibald PLOOM (CULTURE-CHRONIQUE)