Avec le Salon des Refusés qui, en 1863, à Paris, fait face au Salon officiel, un âge nouveau commence: celui de l'impressionnisme et, au-delà, de l'art moderne tel que nous le vivons encore. Pour la première fois apparaît nettement l'opposition - qui ne cessera plus - entre un art mainteneur de conventions et un art d'invention permanente. Héros du Salon des Refusés, Manet représente avec éclat cet art nouveau fondé non plus sur ce qu'on sait ou imagine, mais sur ce que l'on voit. Art accusateur de la société bourgeoise, dénonçant ses mensonges et ses silences, participant néanmoins de sa vérité -puisqu'elle ne croit, comme lui, qu'au réel. Il ne s'agit pas - pas encore - d'affranchir la peinture de sa référence à la réalité. La peinture nouvelle sera un exercice de la perception: le monde sensible tout entier devient son objet, sa fête. A la surface de la toile, dégagées de l'illusion de la perspective et de l'objet fini, ces couleurs claires juxtaposées, ces touches ostensibles, ces lignes hachurées, esquissées - qu'est-ce sinon, de près, de la peinture pure et simple? De loin, pourtant, une image, une scène se recomposent. Mais l'essentiel se passe dans le trajet entre la peinture et l'affleurement de l'image: le travail de notre oeil rejoint le travail de la main qui a retracé la vibration immédiate du sensible. Avant de tenter de créer son propre univers, il fallait que la peinture voie le monde comme s'il était lui-même, de part en part, peinture. Vers 1863, à Paris... Heure d'un accord, d'un espoir dont nous sommes encore émerveillés.